Le soldat dit à sa femme :
« Que sait-on de la vie de la mort ? –
Pour me consoler il suffit
Que tu prennes son de notre bébé »
La femme dit au soldat :
« Tu dois ton corps à la patrie –
Je serai le rocher en haut de la montagne »
*
Un ouragan fit déborder la mer
D’immenses vagues se firent hautes comme des montagnes
Les baleines se dressèrent comme si elles étaient humaines
Des nuées sinistres lourdes de pluie pesaient immobiles sur le sol
Mer et ciel se confondaient dans un univers blafard
Le corbeau et le lièvre n’osaient plus bouger
Les campagnards étaient saisis d’épouvante
Un courrier au galop prévint la préfecture
Les monts grondaient les tigres rugissaient
Les flots emportaient les arbres arrachés par le vent
Submergeaient des îles et des îlots
En un instant le destin des humains pesa moins qu’une plume de cygne
J’attendais allongé
Je craignais de voir le ciel s’ouvrir
Ma jeunesse semblait s’être flétrie en un instant
Tout autour de moi tout semblait à la guerre
Les cornets de roseau sonnaient dans la poussière
Comment nettoyer le monde des boucliers et des lances ?
Dût ma chaumière être détruite !
Je continue à chanter ma joie
Rien ici-bas ne se produit selon nos desseins
L’année se meurt Je me désespère en vain
Que deviendront les vivants ?