Le fabuliste inconnu ( 106 )

Le royaume regorgeait d’or
Le roi voulut que tout soit fait de ce métal précieux
Jusqu’au pavement des ruelles
Au trône des toilettes
Et les courtisans d’applaudir
La reine sage prévit un festin
Tous s’en régalèrent à l’avance
Le premier service ne fut fait
Que de l’or le plus fin
Le roi apprécia la plaisanterie
Mais le second aussi
Le roi cessa de rire

Le fabuliste inconnu ( 105 )

Le fabuliste inconnu suivait un laboureur
Et répandait quelques paroles
De sagesse et d’espoir
Le laboureur se retourna :
« Peux-tu me donner un coup de main, vieux frère ? »
« Immédiatement l’ami »
Répondit l’inconnu :
« La science n’est rien
Sans le pain
Qui nourrit le savant »

Le fabuliste inconnu ( 103 )

Une épée sommeillait à côté d’un livre
Celui-ci était parfois demandé
La rapière jamais
Elle exhala sa haine :
« Tu sèmes la mollesse
Là où je vais droit au but…
Jadis je vivais de sang et de batailles… »
Le livre répondit :
« Le glaive a fait son temps
Garde ta rouille
Je répand la parole
Laisse-moi l’avenir
Et dors sur tes lauriers »

Le fabuliste inconnu ( 102 )

Un paysan bien fait et honorable
En vint à maudire son champ et ses cailloux
Ses ronces et ses vents mauvais
Le lendemain matin il reprit sa dure tâche
Assisté de ses deux boeufs
Quelques années plut tard
Il était riche et heureux
Cette histoire exemplaire
Est parfois vraie

Le fabuliste inconnu ( 101 )

La vertu et la consience
Cheminaient ensemble
Comme d’habitude
Les vices méchants et ingrats
Les suivaient à la trace
Les accablaient de quolibets
En vinrent à les frapper
Les deux amies arrivèrent enfin
Au sommet de la montagne
Emues elles contemplèrent
Le chemin parcouru
La vertu : « Nous avons vaincu à la fin »
La conscience : « Ce fut difficile mais ce fut beau »
Pas de vertu sans conscience
Pas de conscience sans vertu
Mais le chemin est rude

Le fabuliste inconnu ( 100 )

Un enfant admirait les superhéros
« Ils sont si forts ils sont si beaux »
Sa mère l’emmena à une présentation
Ils étaient là les acteurs
L’enfant les trouva laids et vieux surtout
« Ce n’est pas mes superhéros que j’ai vus »
Sa crédulité en fut toutefois ébranlée
Nous jouons tous un rôle
Ne confondons pas la personne et le personnage
Ne nous laissons pas éblouir par des oripeaux

Le fabuliste inconnu ( 99 )

Une bonne femme répétait à l’envi
Son mépris de l’hypnose et des hypnotiseurs
« En tout cas pas un de ces charlatans
Ne me forcera à dormir »
Une amie organisa une fête
Et sans prévenir invita un hypnotiseur
La bonne femme rigola :
« Jamais je ne dormirai »
Elle s’endormit d’un coup
L’important c’est le doute
Pas le préjugé l’idée toute faite
C’est l’expérience qui décide

Le fabuliste inconnu ( 98 )

Une cloche agressa un paratonnerre :
« Minus, personne ne te voit
Tandis que tout le monde m’entend »
Un horrible orage éclata
Le feu sillonna l’aiguille
Et se perdit en terre
La cloche : » C’est un miracle qui est dû
A ma sonnerie sacrée »
Un orage plus horrible encore
Cette fois traversa la cloche
Et la fendit en deux
Il n’est pas bon
Que le sacré s’oppose à la science

Le fabuliste inconnu ( 97 )

Un hibou se félicitait de sa vie
Solitaire et austère
Dans la nuit bleue
Une colombe répondit :
« Moi j’aime l’amour
La tendresse occupe
Tous mes instants »
Un moineau parla à son tour :
« Moi je m’amuse d’un rien
Je ne vole pas haut Je ne suis pas bien gros
Mais je m’amuse tout le temps »
Suivre son désir et son plaisir
C’est aussi la sagesse
C’est le bonheur