Tes cheveux gris
Poussent en boucles
Au dessus de ton front arrondi
A peine ridé par l’effort
Ton perpétuel effort de vie
Au dessus de tes yeux
Grands malgré les lunettes
Remplis parfois d’une lueur d’angoisse
Ton nez est plus fin que jamais
Ta bouche aussi charnue
C’est ton corps tout entier
C’est toi toute entière
Qui est un fruit
Un fruit des passions
Que tu mets à vivre
Eloge de la paresse ?
Je voudrais écrire un éloge de la paresse, mais je suis trop paresseux pour le faire. J’ai déjà rencontré une difficulté de ce genre quand il s’est agi pour moi d’écrire un éloge pas banal de la banalité.
Montaigne et Lafargue, le gendre de Marx, ont eu plus de talent que moi. Lafargue a même écrit un véritable « droit à la paresse ». Mais le plus brillant est peut-être notre Jean de la Fontaine qui a écrit son « épitaphe d’un paresseux » :
« Jean s’en alla comme il était venu …
Quant à son temps bien le sut dispenser :
Deux parts en fit, dont il soulait* passer
L’une à dormir et l’autre à ne rien faire ».
* Soulait : « avait coutume de… »
Quand on voit l’importance qualitative et quantitative de l’oeuvre de notre fabuliste national, il est difficile de prendre sa paresse au sérieux. N’oublions pas de reste ses « contes » grivois.
Pourtant La Fontaine a raison. Pour bien travailler, une première condition est de bien dormir et aussi de rêvasser… , puis de prendre son temps…
Au total ce n’est pas sa paresse qui subsiste de La Fontaine, mais bien son génial travail. Seul le travail est fondateur.
N.B. : C.F. l’article du 6/9/2013 intitulé « Paresseux’.
Triade / Trinité
Il convient de distinguer triade et trinité.
Dans une trinité, singulièrement dans la Trinité chrétienne, les trois éléments sont égaux et semblables au point d’être identiques. Dieu le père et Dieu le fils sont très absents depuis longtemps. Leur intérim est assuré par la troisième personne, le Saint Esprit, qui lui-aussi est tout-puissant. La trinité, c’est le Un en Trois.
L’exemple d’une triade me parait donné par Platon : le Vrai, le Juste, le Beau. Les trois sont à niveau égal, mais ils sont très différents sans être opposés. Nous cherchons le Vrai parce que l’erreur nous cerne dans le même temps qu’elle vient de nous. La vérité a ses lois que notre raison découvre. Nous cherchons le Juste parce que le crime nous menace et que nous sommes potentiellement des criminels. La raison nous fait découvrir la justice par l’intermédiaire des Lois ( et du droit ).
Mais le Beau ? Que vient-il faire dans cette galère ? Une triade, c’est trois fois un, l’Unité est ailleurs. Le troisième terme remplit les missions qu’oublient les deux premiers. Que peuvent négliger le Vrai et le Juste ? Ils oublient le sensitif, la sensibilité, le fantasme, l’irrationnel ou ce qui parait tel. Ils oublient donc la sexualité, la sensualité, l’émotion, la passion. La catégorie du Beau réunit ces éléments dans un seul élan qui, chez Platon, devrait se soumettre à la raison sous la forme d’un ordre esthétique. Les trois facteurs se réunissent dans l’idéal métaphysique de l’Idée transcendante qui mène à Dieu, au Dieu des philosophes.
La plupart des philosophes, à l’instar de Kant, ont cherché le vrai et le juste. Ils ont quasiment ignoré le beau. Sous le nom d’esthétique Kant ne désigne que les normes de la connaissance sensible. La beauté sous toutes ses formes nous accompagne pourtant dans la vie la plus quotidienne. Elle a un rapport fort avec la sexualité comme l’a deviné et simplement deviné Freud.
Il est plus simple empiriquement de juger que nous avons affaire à des ordres différents de la réalité humaine, ceci sans exclusive.
N.B. : Kant a cependant dit un mot des catégories du beau et du sublime, spécifiques du XVIII° siècle; le beau est petit et féminin, le sublime grand et masculin.
Acceptation
Rien n’est plus important que de s’accepter soi-même, ne serait-ce que pour accepter les autres.
Mais il n’est pas terminé le temps de la bêtise. La supériorité de celle-ci est qu’elle arbore tous les masques, est plus fluide, plus diverse que l’intelligence. Narcissisme et bêtise sont intimement liés.
Orgueil, prétention, amour-propre, vanité… La première faiblesse est de se croire a priori supérieur à tout le monde. A priori, c’est à dire sans preuve, sans même avoir fait ses preuves. On s’accepte trop.
Fonctionne ici une ironie objective. On se moque aisément de la prétention des autres.
Croire en soi est pourtant nécessaire pour se lancer dans la carrière.
Montesquieu, penseur du politique, et Marx, penseur de la production, pour ne donner que ces exemples, croyaient en eux-mêmes, en avaient le droit et le devoir tellement leurs talents étaient grands.
Un engagement violent est un excellent moyen de ne pas penser, moins chez les maitres penseurs, bien davantage chez les disciples.
Il arrive que plus tu réfléchis, plus tu t’égares. N’oublie pas que la méditation est au delà de la pensée, que la science est seule maîtresse du savoir.
Mais n’oublie pas non plus que l’action n’attend pas.
L’acceptation n’est pas la résignation. L’acceptation est souvent enthousiaste.
S’accepter soi-même, c’est accepter ses faiblesses certes, mais aussi ses forces. Il serait inique de ne laisser place qu’aux médiocres.
Même s’il nous en coûte, acceptons d’avoir des chefs, éventuellement d’en être un.
Mélodie / Harmonie
A la suite de Jean-Jacques Rousseau je privilégiais la mélodie. La mélodie peut être simple, stimulante, entrainante. Mais à écouter Jean-Sébastien Bach, j’ai deviné l’importance de l’harmonie. Un exemple pédagogique est donné par « l’Offrande musicale » du maitre allemand : sur un thème proposé par le roi Frédéric II, il a multiplié les brillantes variations.
Bach me parait classique parce qu’il est selon moi le véritable fondateur de l’harmonie occidentale. Une autre dimension du classicisme, esthétique et non historique, est le retour au naturel, face aux exagérations, aux outrances supposées du baroque et du maniérisme. En écoutant les « concertos brandebourgeois » de Bach, j’ai été frappé par leur côté vigoureux, voire gaillard.
Les forces qui nous animent sont hétérogènes. Aucune ne mérite qu’on se consacre à elle seule. Cependant les spécialisations sont respectables et du reste obligatoires au vu de la division du travail qui ne cesse de s’accentuer.
Je me sens plutôt mélodiste. j’ai le goût de la simplicité, de l’origine tant historique que structurelle. Je me rapproche à nouveau de l’auteur de « l’origine de l’inégalité parmi les hommes » et du « Contrat social ».
Effet de serre
Les nuages sont nécessaires pour l’effet de serre qui est donc naturel. Mais il faut combattre les effets nocifs de l’émission des gaz à effet de serre, principalement les dérivés du carbone. Il faut donc des énergies propres de ce point de vue. Il convient de rechercher du côté d’énergies renouvelables. Parmi celles-ci l’énergie nucléaire qui demande peu de combustible, qui sera dans un avenir pas trop lointain remplacée par l’énergie thermonucléaire dont les ressources sont proches de l’infini, énergies nucléaires qui n’émettent pas de gaz à effet de serre.
N.B. : Quid de l’enfouissement des déchets ?
Marginalités
Il y a quarante ans nous avons décidé, Régine et moi, que nous n’avions pas de « milieu ». Constatation étrange pour de jeunes universitaires, mais qui se vérifie encore aujourd’hui.
En quelque sorte nous sommes marginaux et marginaux par rapport à la marginalité. Certes nous avons refusé d’être l’âme d’un rond, le centre d’un cercle minuscule. Cela signifie aussi un risque d’isolement. Heureusement il s’agit principalement d’un risque. Nous pouvons assumer notre solitude. Solitude que nous espérons créatrice.
L’isolement coupe les ponts, la solitude espère les fermer provisoirement.
Profond/Superficiel
Hétéro Clite dit : » Tout ce qui est superficiel est profond et tout ce qui est profond est superficiel ».
Je dis : Comme d’habitude Hétéro Clite n’a pas tort, mais il faudrait expliciter. Il est des profondeurs qui ne sont que profondes, dont la mort… Quant au superficiel, pour le trouver profond, il faut y voir des symboles…
N.B. : Pas trop de symboles ! On peut goûter le superficiel pour lui-même.
( Im ) mobilités
Nous embaumons le passé. Notre mémoire historique est remplie de momies. Il faut pieusement les conserver. Lénine et Mao doivent rester dans leur mausolée. Je suis très chinois de ce point de vue : quel que soit notre jugement sur l’histoire, c’est notre histoire. Nous sommes dans l’ensemble prisonniers d’un passé historique que nous ne connaissons pas ou guère. C’est vrai aussi de nos petites existences alors que nous n’avons qu’elles.
Je n’ai gardé d’Althusser qu’une seule phrase : seules durent les pensées dogmatiques. Elles sont donc mortes et subsistent comme des squelettes, dépouilles utiles à notre savoir. Je ne choisis pas entre les squelettes et les momies.
En attendant la mort qui n’est que la fin de la vie, il faut tenter de vivre. Il faut avoir des moeurs et des manières comme le proposait Montesquieu.
Dans nos milieux dits cultivés, à New-York, à Paris, les moeurs sont diverses : on compte beaucoup d’homosexuels, de femmes qui ont choisi le célibat… Il y a même des maris complaisants et heureux de l’être, des couples échangistes et fidèles en esprit… Les couples traditionnels, potentiellement minoritaires, restent fidèles à l’adultère, surtout les hommes de sexe masculin.
Par contre les manières sont singulièrement semblables. L’informatique, le cinéma, la télévision, les réseaux sociaux, les drogues, les divertissements, la mode vestimentaire égalisent, voire uniformisent les choses. Anna Wintour règne sur Paris et Londres presque autant que sur New-York.
La vie humaine, si elle n’est pas une foire d’empoigne, est un bel et gigantesque imbroglio.
Pour ne pas sombrer dans la morosité il faut être bon public. Alors qu’on ne s’y attend pas, l’absolu réapparait sous la forme cette fois du vivant. Il est nécessaire de goûter l’instant. Il est bon d’être absolument relatif.
Il est possible de prendre ensuite ses distances grâce à la réflexion. Celle-ci ne peut s’appuyer que sur la mémoire, mémoire paradoxale puisque, très négative par moments, à d’autres elle embaume !