« Témoignage anonyme »
Hétéroclite : Moi, c’est à monsieur Charles Bovary que je ressemble
L’histoire des siècles
Victor Hugo a écrit une « légende des siècles » volontairement décousue. Il était ainsi plus proche de nos connaissances, loin de l’histoire universelle.
Les siècles rythment notre savoir historique qui, à juste titre, est fondé sur la chronologie. Mais nos siècles historiques correspondent-ils mécaniquement à 1700, 1800, 1900, 2000 ? Bien sûr que non.
Le XIX° siècle pour nous s’arrête en 1914 avec la deuxième guerre mondiale. Mais il n’a commencé en Europe qu’avec la défaite définitive de Napoléon en 1815. Pour la Chine, c’est différent : son XIX° ne commence vraiment qu’avec les guerres de l’opium, imposées par le colonialisme britannique, vers 1840, première grande défaite de l’empire chinois depuis les Mongols au XIII° siècle et plus importante dans ses conséquences.
Le XVIII° siècle est étrange : il se termine, d’une certaine manière, en 1789 avec la révolution française. Où situer la période 1789-1815, celle de la Révolution et de l’Empire, qui a bouleversé l’Europe ?
Mais quand commence le « siècle des Lumières » ? En 1715, date de la mort de Louis XIV, ou plutôt en 1714, date de la disparition de l’importante reine Anne, l’une des créatrices de l’Angleterre moderne ? Mais les Lumières elles-mêmes ? Elles commencent plus sûrement dans les années trente et quarante.
Quand débute le XVII° siècle, en Europe toujours ? La mort des rois annonce souvent de grands événements. Elisabeth d’Angleterre a disparu en 1603, Philippe II d’Espagne en 1598, Henri IV de France en 1610.
La Renaissance commence dès la fin du XIII° siècle en Italie, avec Giotto et Dante. Elle attend pratiquement le XVI° en France, puis en Angleterre.
Qu’en est-il de notre XXI° siècle ? A-t-il commencé seulement ? Faut-il penser à 2001, aux attentats du Onze Septembre ? De quand date la victoire écrasante de l’informatique moderne ? Quelle importance donner à la crise dite des « subprimes » en 2008, début d’un événement mondial… 1991, l’Union Soviétique disparait. 1989, c’est la chute du Mur de Berlin… 1979, Khomeiny gagne en Iran, Deng-Xiao ping ouvre définitivement le passage pacifique de la Chine au capitalisme …
Feux
Le feu pour le chrétien Pascal est l’aboutissement de l’amour mystique
Le feu pour le païen Héraclite est le principe de l’Univers
Rappelons qu’Héraclite est encore un sage ( sophos ) et que depuis Socrate nous avons des philosophes, des amoureux de la sagesse ( sophia )
Pour Héraclite l’Univers est Un et Multiple
L’Univers se meut sans cesse
Tout passe
L’Un est et n’est pas
Tout est logique
Le Feu est énergie
L’Energie est pure
Notre univers est mortel
L’Union est amour, la Division est haine
La haine cosmique est nécessaire, pure et belle*
L’amour est nécessaire pour que quelque chose existe
L’amour cosmique prend la forme visible de la gravité, la pesanteur*
L’Univers se meut sans cesse, pur, un, illimité
Tout est beau, l’infini comme l’infime
Tout est périodique
Le monde s’embrase, puis se glace
Tout est regrès et progrès
Le sens commun est le fondement de l’humain,
A un moment il s’oppose à la raison
L’amour cosmique est nécessaire pour que quelque chose se crée
* Mes variations sur la haine et l’amour cosmiques sont loin d’Héraclite, mais me paraissent correspondre à son esprit.
Ridicule ( s )
J’ai toujours peur d’être ridicule. Il faut dire que je ne suis pas aidé par ma vision du monde qui me donne tort a priori, mais qui m’autorise à tout vérifier a posteriori. J’ai l’impression que le ridicule me suit comme mon ombre. Je me retourne, il n’y a personne, le plus souvent il n’y a personne.
Les ridicules sont légion. Il y en a de toutes les sortes, fondés sur la présomption. Ma présomption de culpabilité ne m’empêche pas d’être présomptueux par nécessité pour m’offrir au monde qui me refuserait si je n’étais que modestie.
Cette première forme de ridicule est subjective, voire névrotique. Les ridicules sont légion. Il en est donc des minuscules qui se voudraient objectifs. Deux m’ont frappé il y a quelque temps déjà : Il a été de bon ton dans certains milieux de nier le concept de révolution industrielle ou de traiter Venise de ville morte. Il s’agissait bien de mode parce que les personnes concernées ne se connaissaient pas.
Une mode récente consiste à parler de gentE féminine, barbarisme qui ignore la gent trotte-menu de La Fontaine aussi bien que le fait qu’on peut traiter certaine personne de « gente » dame.
Civilisation( s )
Le terme « civilisation » désignait benoitement le plus haut niveau des sociétés humaines après la « sauvagerie » des chasseurs-cueilleurs », puis la « barbarie » des premiers agriculteurs-éleveurs. Cette vision historiciste culminait dans la culture lettrée des élites urbaines de l’ époque.
Puis on s’est rendu compte de la diversité des « civilisations », vastes ensembles socio-culturels, plus ou moins pérennes, à large base géographique. Comment les définir précisément ? Ici s’ouvre une petite boite de Pandore. Tout le monde est d’accord pour constater une civilisation chinoise dès le III° millénaire, avec le mythique « empereur jaune », mais réduite à l’actuelle Chine du nord, presque sans métaux et sans riz, sans taoïsme, confucianisme, ni même Yi-king, sans parler du bouddhisme introduit au début de notre ère… Nous postulons une continuité qui de fait est en pointillés.
L’Iran ancien est mort. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Toujours est-il que l’Iran garde une grande originalité, seul pays indo-européen à s’être converti massivement à l’islam chïte …
Le passé le plus ancien influe en profondeur. Jusqu’à quel point ? Que reste-t-il des érigeurs de dolmens à part quelques reliques monumentales ? Une mémoire profonde, devenue invisible, insensible, est nécessairement oubliée par les historiens.
« Civilisation » est plus une notion qu’un concept. Les historiens ne sont même pas d’accord sur le nombre des civilisations. Certains en voient huit, d’autres vingt deux, etc… Quelques-uns, isolés, ont même parlé de « civilisation juive », oubliant que, si la tradition millénaire du judaïsme est admirable, les diverses communautés juives se sont adaptées en profondeur aux sociétés globales qui les acceptaient.
Je répète que le « choc des civilisations » n’a aucun sens. Par contre le choc des cultures est quotidien à cause de leur concret. Mais il y a aussi emprunts réciproques. Il suffit de ne pas être sectaire. De toutes façons les progrès techniques ne cessent de s’insinuer.
Partons de Charles Trénet
Chanson sans prétention :
La lune a rendez-vous avec le soleil
Le soleil est là mais la lune ne le voit pas
La mer a rendez-vous avec le ciel
Le ciel est là mais la mer ne le voit pas
Berthe a rendez-vous avec son jules
Le jules est là mais Berthe ne le voit pas
Refrain:
Chico, chico, aïe, aïe !!
Chico, chico, aïe, aîe !!
Berlin a rendez-vous avec Paris
Paris est là mais Berlin ne le voit pas
Le veau a rendez-vous avec l’andouille
L’andouille est là mais le veau ne la voit pas
« Et caetera » a rendez-vous avec « ça va »
« Ca va » est là mais « Et caetera » ne le voit pas
– – –
Petit poème, en passant…
Entre espoir et désespoir
L’amour est contradictoire.
L’existence est une joie
Sous le signe de Socrate.
La vertu est un voyage.
Tout se dédouble.
Originellement la conscience est double.
En 1792 Alceste aurait fait un discours.
Les chats sont amoureux de poésie.
Beaucoup de gens vont deux par deux
Sans craindre la contradiction.
Le livre passe entre les classes
L’argent ne fait pas le bonheur,
Mais il y aide,
Disait mon père.
La girafe de Lamarck
A en croire le fondateur du transformisme, Lamarck, c’est parce que les girafes tendent leur cou vers les feuilles les plus hautes des arbres que celui-ci s’est démesurément allongé. Il n’en est rien. Les mutations génétiques, imprévues et imprévisibles, ont de façon hasardeuse favorisé certains ancêtres des girafes qui ont mieux réussi que d’autres jusqu’à donner naissance à l’espèce actuelle.
Le hasard se mêle à la nécessité. Il n’y a pas de plan préconçu. Mais l’originalité se donne la possibilité d’exister. Il n’y a pas d’hérédité des caractères acquis, sauf partiellement par l’éducation.
Purification d’Empédocle
Il y avait là ici
La terreuse et cette solaire dont la vue est perçante
la dispute sanglante et l’harmonie à l’oeil sévère
La belle et la vilaine
La rapide et la lente
La certitude pleine de charme
Et la confusion aux fruits noirs
La croissante et la décroissante
L’endormie et la veilleuse
La mouvante et l’immobile
La somptueuse sous sa couronne
Et la souillon taciturne ou bavarde
Il y avait là ici
Ce qui change les formes
En les dépouillant de celles qui sont mortes
Que son nom soit loué
Par qui le connait
Pensée sainte et souveraine
Qui parcourt l’ordre du monde
Avec des idées rapides
Elle prescrit par le grand Diaphragme
Que les hommes cessent
De se dévorer les uns les autres
Voilà ce que je dis moi-aussi
Au nom du diaphragme d’Empédocle,
De l’enveloppe charnelle
Qui protège le coeur
Et sa pensée
Et non du diaphragme moderne
Qui respire laborieusement
Sans pensée
Formules choc
Je doute, je ne doute pas
Dubito, ergo (non ) sum : Je doute, donc je suis, je doute, donc je ne suis pas
Le doute est victime de notre langage fait pour la certitude
Tout est complexe et contradictoire
Pour poser la question de l’Etre, encore faut-il être
L’Etre est ce qu’il veut
Errare humanum est, sed perseverare tandem : il est humain de se tromper, mais de persévérer dans l’erreur aussi
Le marxisme est mort, vive Marx !
La vertu ne se décrète pas
La liberté, contrôle de la liberté
Rien d’humain ne m’est étranger, sauf les tortionnaires
La volonté de puissance n’est pas volonté de pouvoir
Tout ce qui est grand est rare
La comparaison est la raison
L’humanité sait tout ce qu’elle doit savoir