Nos trotskystes français sont d’espèces bien différentes. Certains sont des ruffians, sans loi, amateurs de coups de force et, surtout, de magouilles sournoises, les seconds ne sont pas antipathiques, mais emprisonnés dans leur comportement de secte, les derniers sont sympathiques, à de rares exceptions près, souriants, apparemment ouverts. Ils remplissent à merveille une fonction tribunicienne, un rôle d’opposant systématique, parfois à outrance. Leur défaut majeur, ne disposer d’aucune culture de gouvernement. Leur rôle positif est purement négatif. Besancenot, Poutou, fondamentalement honnêtes, représentent aujourd’hui cette dernière tendance, la seule acceptable.
Historiquement le trotskysme représente un léninisme idéaliste alors que la force de Lénine était son réalisme.
Finance
L’établissement financier Goldman & Sachs domine le monde occidental. Le F.S.B., héritier du K.G.B., domine la Russie. Je préfère la finance à la police. A vrai dire j’ai toujours privilégié New-York par rapport à Moscou. Je dis bien toujours, c’est à dire du plus loin qu’il me souvienne, par exemple durant la guerre froide. La finance, fondée sur la propriété privée, ménage un minimum de libertés.
La phase suprême du capitalisme, dans les termes de Lénine, est l’impérialisme, dominé par le capitalisme financier. Celui-ci est devenu une bulle gigantesque, plus grande que la terre elle-même. Même dans un cadre réformiste, il est urgent de la dégonfler. Encore un vaste programme !
La police de la finance ne peut-être le fait que de la finance elle-même. Encore une contradiction dans les termes !
Cependant la patience de la Chine, trônant sur ses créances, parce qu’elle a encore besoin de la technologie occidentale, et celle des marchés financiers face à la crise de l’Europe et de l’euro, parce qu’ils ne veulent pas tuer la poule aux oeufs d’or, sont encourageantes. Le pire n’est pas sûr.
Pendant ce temps l’impérialisme, contraint et forcé, change de politique. Il soutient les régimes de gauche modérée. Il n’a qu’un seul ennemi radical, l’islamisme, néfaste pour les affaires courantes, ennemi de toutes les libertés, d’abord celles des femmes.
Génie
Il y a bien des années, en réponse à ma charmante belle-soeur, Lilou, la soeur de Régine, j’ai dit : »I am maybe genial, I am not a genius ». Elle s’exclama : »Qu’est-ce que ça veut dire? ». Je continuai : »Je suis peut-être génial, je ne suis pas un génie ».
Beaucoup de gens sont géniaux en profondeur quelles que soient leurs limites, quels que soient leurs défauts. Ils peuvent même avoir un beau génie.
Les véritables génies sont si rares qu’ils n’entrent pas dans nos prévisions statistiques. C’est après coup qu’ils prennent toute leur importance, parfois rapidement et même de leur vivant.
Adages
Le mélange humain de responsabilité et d’irresponsabilité unit les deux sexes dans un syncrétisme qui peut être joyeux.
Le bonheur est dans le couple associé au droit et à l’humour
La paix offerte par les libertariens est puritaine. Celle proposée par les libertaires, pleine de travaux passionnants, de plaisirs divers, d’humanités réfléchies, est la gaieté même.
Depuis les origines l’écriture est volonté de puissance, mais aussi de pouvoir
La mode est comme une houle de progrès sans fin.
La psychanalyse éclairée et les livres sacrés ouvrent aussi bien aux lois qu’au subconscient.
Ma paresse me donne mon style dans un partage incertain des tâches entre Héraclite, Hétéroclite et moi.
Il n’y a de vérité que vérifiable, entre despotisme qui la nie et poésie qui la transcende.
Il faut s’arrêter sur l’image pour distinguer l’espace d’un instant ce qui est de ce qui n’est pas.
Les connards par myriades annihilent la perfection du socialisme. Il reste à qui le souhaite les chansons et les femmes.
L’égalité en droit permet l’originalité, limitée par la mort et la bêtise.
Le féminisme ne souffre pas la médiocrité.
Téléphages et téléphobes ne devraient s’opposer qu’en zappant.
Le théâtre des conflits entre égalité et inégalité est celui de l’envie.
L’opposition du savoir et du faire-savoir est vite superstitieuse.
Sers toi de la géométrie quand la situation est géométrique, de la finesse quand la situation est humaine.
Si tu prends deux livres dans ton île déserte, emporte la Bible et Shakespeare.
Superstition
La conscience est un phénomène double d’un genre unique, à la fois action et savoir de cette action. Elle s’applique à des phénomènes si complexes et compliqués qu’elle ne peut que devenir superstition.
Elle dépend tellement d’une mémoire défaillante, elle est tellement dépassée par la multiplicité du monde qu’elle s’accroche à des détails qu’elle croit significatifs alors qu’ils sont pratiquement dépourvus de sens. Souvent elle tombe sur eux par hasard.
Elle peut se perdre dans ces détails dont certains deviennent religieux, comble du superstitieux. Aucune religion n’est digne du Dieu unique parce qu’il lui faut à tout prix le ritualiser, le symboliser. Faiblesse humaine certes, mais universelle.
Le plus platonicien des esprits sait que l’idée de cercle existe en dehors de tout cercle réel, mais il ne réfléchira que sur des cercles concrétisés matériellement. Souvent le symbole l’emporte sur la réalité. Les Aztèques connaissaient le cercle et ignoraient la roue.
L’être humain est un animal superstitieux. Sa vie est un combat sans fin contre tout, pour-contre-dans la superstition. Vive la superstition, Bon Dieu !, à condition de la limiter, encore et encore ! La vie est un combat sans fin.
Féconde opposition
« On se pose en s’opposant ». Excellent proverbe, à prendre avec des pincettes comme d’habitude. Face à la liberté anarchique dont s’inspirent bien des adolescents, il est utile de leur rappeler de s’opposer à ce qui est mauvais, pas à ce qui est bon. Là encore formule généreuse, par trop générale, à nuancer sans cesse.
La télévision suscite parfois des réactions curieuses, de la beauté exagérée des bimbos à la tête de lard de certains politiques. Même Marilyn Monroe n’est pas épargnée parce qu’elle n’a pas été assez responsable, parce qu’elle empêche de penser au Bangla-Desh. Rien n’est tout à fait vrai, rien n’est tout à fait faux dans ces domaines comme ailleurs.
Amérindiens
Je remercie Montesquieu d’avoir exprimé son horreur devant le sort réservé aux Indiens d’Amérique par la colonisation et les colonisateurs. Sous d’autres formes le problème subsiste aujourd’hui. Une action mondiale est envisageable. Elle commencera toujours par des mesures simples, par exemple de type sanitaire pour empêcher que ces populations soient contaminées par nos maladies. Il n’est pas question de les empêcher d’évoluer, il s’agit qu’elles progressent à partir d’elles-mêmes, comme elles le souhaitent et non pas sous la contrainte. Certaines de ces sociétés sont minuscules, d’autres sont majoritaires. Le passé indien de la Bolivie, c’est-à-dire son présent, sont enfin officiellement reconnus. Et si nous assistions à une résurrection du peuple maya, principalement au Mexique et au Guatémala ?
( In ) égalités
Nous avons eu un copain étranger dont nous avons pensé qu’il pouvait être un ami. Il était extraordinairement narcissique. C’était un véritable Narcisse. Je n’ai vu personne s’adorer autant en se regardant dans la glace. Mais il était charmant.
il voulait à tout prix être mon égal, ce qui est louable. Le problème est qu’il confondait les trois types d’égalité que je vais essayer de distinguer :
Le premier est l’égalité en droit qui est acquise à tous, qui va de soi. Quelle que soit ta personnalité, tu es mon égal en droits et en devoirs.
Le deuxième est l’égalité devant le mystère de l’être, le mystère contenu au fond de chaque personne devant lequel nous manquons singulièrement de critères et de connaissances.
Le troisième est l’égalité uniforme dans la foule anonyme. Les deux premières sont nécessaires, la dernière est condamnable. Nous sommes tous différents les uns des autres. Nos différences sont non seulement inéluctables, elles sont souhaitables. Ne nions surtout pas la formidable inégalité des talents.
Le copain étranger avait le don des langues, il s’était merveilleusement intégré dans la société française. Il était enviable à bien des égards. Pourquoi vouloir être mon égal ?
Drames
Une formule que je dois à mon premier éditeur, Serge Jonas, détonant mélange de despotisme oriental et de petite économie marchande, est que « le socialisme sera la possibilité pour chacun de vivre ses propres drames ».
Le socialisme n’est pas l’absorption de l’individu dans le collectif. Il est la réconciliation de la personne et de la société. Il ne consiste pas dans un bonheur éternel, mais dans la possibilité de vivre sa propre vie sans aliénation excessive. Il est dommage que ce beau type de société n’existe pas et soit peut-être impossible. Même s’il est impossible, il vaut la peine qu’on lutte pour lui.