Classiques

Les classiques ont l’inestimable qualité d’avoir résisté aux siècles sur leur seul mérite. Quand on les étudie, on découvre la raison de cette longévité que je nommerais imagination et raison, tout ce qui aide à penser… Il y a là un merveilleux patrimoine, certes éternel, mais qui ouvre aussi à des époques disparues. N’oublions pas que ces génies ont été des jeunes gens.
A dix-huit ans je lisais « Athalie » de Racine sur la plage. Me découvrant, un copain a éclaté d’un extraordinaire rire frais. Je ne peux pas lui donner raison. Il ne convient pas de momifier les classiques. Il faut les sortir de l’école. Le premier des classiques, qu’on ne cesse d’interpréter, de vivifier, est Shakespeare. Mais il est vrai que certains classiques vieillissent mal.
Notre époque est très riche. Mais beaucoup de ses trésors sont éphémères. Leur prestige disparait en quelques années, parfois en quelques mois. Cependant notre époque crée des classiques modernes. Le cinéma de Kubrick, les spectacles de Michael Jackson en font partie. Si je les appelle classiques, c’est que je pense que ces oeuvres ont des qualités analogues à celles que j’attribue aux classiques recensés comme tels. Profondeur, subtilité, créativité … Il faut savoir les découvrir.
C’est grâce à la connaissance des classiques que l’on peut créer du nouveau, des nouveautés authentiques, appelées peut-être à durer. Certes durer n’est pas nécessaire, l’important est d’exister, de vivre pleinement le moment présent. Il vaut mieux qu’il soit plein, pas trop débile. Le public aussi doit avoir du talent.
Pour créer en Chine il fallait respecter la tradition. Il ne sert à rien de vouloir être original à tout prix. Dans la querelle française des Anciens et des Modernes de la fin du XVII° siècle j’ai pris le parti des Anciens à l’image de La Fontaine et des grands auteurs de l’époque. J’ai peut-être tort, mais je n’en suis pas sûr. Aimer les « classiques » ne veut pas dire négliger les « modernes ». Il convient de marcher sur ses deux jambes. Dans le même temps où je découvrais Descartes, je lisais Sartre.
Le passé est la clef de l’avenir.