Tj 67

Dix ans plus tard le vieillard
Errait toujours dans la montagne
Vêtu de sa peau de bête
Il glanait ce jour-là des épis
Abandonnés après la moisson
il chantonnait à son habitude
Il s’appuyait maintenant sur un bâton
Je le rencontrai il ne me reconnut pas
Histoire de causer je lui demandai
Si dans sa jeunesse il n’avait pas manqué de diligence
S’il n’avait jamais retardé sur son époque
S’il était heureux de mourir bientôt
Sans femme sans enfants ?
« je suis joyeux parce que ce qui attriste les humains
Me plait infiniment et d’abord la mort »
« La mort ? »
« La mort renaissance la mort délivrance »
« Des mots tout cela »
« La mort est un beau mot
Plein de gloire et de solennité
Un mot définitif »
Il éclata d’un rire qui me parut sinistre
Je voulus m’enfuir il me retint par la manche
« Puisque je vous dis que nous possédons tous
Ce qui fait notre tristesse et qui fait ma joie ! »
Je le fis tomber j’en fus enfin débarrassé
Il cria me menaça de son bâton puis se remit à chanter
Je n’entendais plus les paroles