PFR 25

Nomme ton ombre
Elle est innommable
Nomme ta femme
Elle est ineffable
Va vers la mort qui ne te voit pas
Va et viens sans rompre la nuit
Tu es bien seul à venir nu vers la mère des morts
Ton oeil repose dans son sein
Elle t’appelle par ton nom

Je vais faire un poème mais pas sur la guerre
Non pas que je ne la connaisse pas je suis né dedans
Le silence me parle celui des dix mille bruits
Le poète n’est pas voyant mais il voit
Il est un voyeur il n’est pas un voyou
Dans la guerre il y a beaucoup d’ennemis
Les mots eux-mêmes sont des adversaires
Dans un vrai poème un poème de paix
La paix si possible
Les mots portent bien les choses

PFR 24

Il se peut que je meure sans avoir su d’où je vous possédais
En quel soleil était votre demeure
En quel passé était votre avenir
Un amour aussi haut passe la mémoire
Elle trépasse de peur que vous traciez son histoire
Je me perds je me divise je tombe dans le sommeil
Il ne m’a jamais trahi Il est mon seul trésor
Le coeur du mirage très haut amour

J’aimerais posséder bien des crânes
Que les braises et les foudres du ciel
Me rendent lucide attentif au réel
Je préfère le ciel de dedans
Mes gouffres se changent en averses
Je ne suis pas timide mais sujet au vertige
Méfie toi des laves sidérales
Détache-moi Je ne veux pas mourir
Plus loin que la mort
Tout est nouveau comme à l’état neuf

J’ai recensé un état sympathique
Hors de l’esprit de la conscience de l’être
Où il n’y a pas de paroles ni de lettres
Il n’y a que des corps
Je me suis précipité dans l’infernal brasier
Où il n’est pas question d’idées et même pas de paroles
Je me répète C’est tout ce que je sais faire
Les corps sont animés et animaux

Nu sur un corps nu
A crû sur un cheval nu
L’orgueil d’un cheval vaut bien celui d’un humain
Les soleils ne sont pas tournants les terres ne sont pas vierges
Un humain quelconque vaut bien ce cheval noir
Le cheval n’est pas d’accord
Le cavalier noir caracole au faîte des rochers
Rite majeur

PFR 23

Je suis seul avec moi
Si je compte bien ça fait deux
Pâle soleil d’oubli hors de la mémoire
Je ne bois plus désormais
Je ne suis plus qu’un squelette desséché
Que complotes-tu en ce beau jour d’été ?
Tu as gâté mes après-midi atmosphériques
Je te le donne cet air si précieux
Le doute s’agite sur sa tige

Roches visages et profondeurs
C’est un titre pour moi Je suis auteur
Mais où suis-je dans le paysage ?
il me faut du courage pour vivre
J’ai du mal avec la verticale
Mais je marche la tête haute
Même si j’ai le dos voûté
A la moindre indolence à la moindre insolence
Je crains que je ne devienne du silence
Je le le crains et je le souhaite
Je suis un humain bien plus qu’un poète

PFR 22

Tout est stuc sauf le suc
Les plumes de paon à Pampelune
Le sage ne lit plus de pages pour ne plus voir de faux savoir
Le crâne est fait de nacre
Les fous et les loups ont peu de choses en commun
Mais pas les loups et les fous

Je suis âgé mais j’ai la force
D’attendre les lendemains qui se forcent
Mais sont pressentis par l’espoir
Le matin est neuf mais aussi le soir
Nous veillons nous gardons le feu et la lumière
Le verre est éteint en attendant le vin
En dormant nous attendons l’aurore

Les chevaux du temps s’arrêtent devant ma porte
Je n’aime pas trop les êtres de cette sorte
Ils m’étreignent pour me tuer
Pour survivre il leur faut boire mon sang
Le mieux encore est de les chevaucher
Pour les éloigner et être tranquille enfin

Le soleil dort en moi
Savez-vous que l’espace est fait de notre sang ?
Mon corps est plus vigilant et visible que moi
Le plus pénible pour moi est la plate plaine
Où je meurs de soif à côté des fausses fontaines
Nous passons ainsi parmi les humains
Les uns parlent parfois à l’oreille des autres

PFR 21

Les mots immenses se disent doucement
Au grand soleil les volets sont fermés
Les navires partagent le vent
Une bouche cache une autre bouche
Ma bouche prête serment
La bouche des rêves est close
La foule de neige et de glace est enfin rassemblée

Tu es l’eau qui rêve
L’heure vient
Je cache ma raison aux autres raisons
J’ai dans ma tête un casque inconnu
J’ai perdu ma lumière
Ma présence se perd
Il faudrait que j’aille ailleurs
Ils pensent que ma bouche est folle
Les mots ne savent plus ce qu’ils font

Madame dit : chéri
Monsieur dit : bibi
Liberté chérie
Chacun dit ce qu’il veut dire

Mon automobile est en flammes
Mon château est dans l’eau
Inondé il est plus beau
L’escargot est pressé
Mon tombeau est explosif
Le persil monte aux narines

PFR 20

Je veille sur le chagrin
Le front à la vitre de ma fenêtre
Mon unique fenêtre
Être oui Être pour ne pas être
je métamorphose la nuit
Mes mains sont rouges
Je cherche au delà de l’attente
Par delà moi même tout ce que je suis
Humain de sexe masculin

Je ne sais plus tant je t’aime
Ils sont tous absents
Dans la forêt prends la rue du général Combien
Par bonheur la brume est un escalier
Nous montons marche par marche
Nous sommes de plus en plus nombreux à être ombreux voire ombrageux
La terre se crispe
Elle n’a plus d’âge
Encore un jour à mettre au monde

Le ciel s’élargit
Nous ne vivrons plus dans des ruines
Le ciel dépasse la nuit
Le sommeil se réveille
Le soleil et la nuit passent dans nos yeux
Nos yeux ne changent pas
La terre reprend la forme de nos corps
Comble le retard creusé par l’habitude
Notre langage redevient sensible

PFR 19

Elle danse sur mes paupières
Elle m’apparaît en bas-relief
Elle a la forme de mes mains
Elle s’engloutit dans mon ombre
En fait à côté des images
Je suis un faux sage
Mes rêves évaporent le soleil
Ils me font pleurer et rire
Parler sans avoir rien à dire

Le miroir dissipe le jour
Il n’est qu’apparence
Mais les apparences sont des apparitions
Le miroir est dur comme le fer
Ce que j’ai vu n’existe plus
Ce que la main prend prend la forme de la main
L’oiseau se confond avec le vent
Le ciel avec sa réalité
L’humain avec son idéalité

La terre est bleue
Comme les mers et les océans
Les mots ne mentent pas
Ils nous donnent en plus à chanter
Les baisers s’entendent
Je vous demande l’indulgence pour mes vêtements

Les fleurs attirent les guêpes
Les guêpes attirent les guêpes
L’aube est un collier de fleurs
Tout est collier pour m’étrangler
Tu portes de beaux bijoux
La terre tourne autour d’un astre

PFR 18

Pas de composition
Les choses se composent elles-mêmes
Les feuilles s’entendent
J’ai perdu un soulier
Il court dans la clairière

Dans le val de l’un
La forêt aère
Tu te fonds dans les feuilles
Le soleil est ardemment situé
L’après-midi est chanté
Le silence est gratuit
Un livre sans pages ?
La rive est verte
Pas la rivière
La Seine s’entrouvre

Je fis un feu j’y mis la flamme
Un feu pour être son ennemi intime
Un feu pour repousser l’hiver
Un feu de dieu
Je donne pour la fête
Je vis au bruit des flammes crépitantes
J’aime les éléments
Le feu ment

PFR 17

Sous les arbres un enfant court parmi les marbres
Les songes creux sont avec nous
Les yeux sont graves de ceux qui t’aiment
Eux aussi passent et repassent entre les arbres
Les grandes orgues devraient signaler les vieux départs
Dans un vieux rêve au pays vague
Nos choses brèves sont presque sages

Quand tu vacilles au sommet du désespoir
Les larmes rebelles sont taries
Tu ne peux plus monter
Ton petit coeur de coton souffre

Je ne veux pas me laisser prendre
Non Non non !!!
Je veux me sauver de l’étiquetage du compartimentage
Pas de catalogue à mon nom
Pas de regard captif
Un abîme s’ouvre sous mes pas
Je monte Il faut monter je monte

PFR 16

Il pleut C’est merveilleux Nous restons à la maison
Il pleut On ne s’entend plus
Mais rien ne nous plaît plus que nous-mêmes
La pluie crépite contre la vitre
L’eau pleure nous sanglote un adieu
Tu me quittes Il pleut dans tes yeux

La chambre morose et vide
C’est une chambre d’hôtel
Je compulse un annuaire
Pour rien pour le désordre
Je remue ma peine faute de l’endormir
Je mâche le fruit amer