Incrédulité
Hommage à De Boisrobert
François de Boisrobert est de la première moitié du XVII° siècle :
Après avoir tant soupiré
Philis je me suis retiré
Quitte et libre de ton servage
Aimant mieux que tu me réputes volage
Et sans amour que dépourvu de raison
Si mes plaintes et mes langueurs
N’ont pas amolli tes rigueurs
Espérais-je renouvelant mon amitié
Que tu serais facile à la pitié ?
Je veux dorénavant blâmer
Ceux qui se mêleront d’aimer
Vu que l’amour aveugle cache
Tant de venin et de poison
Que c’est être grandement lâche
Que d’en affliger sa raison
Vraiment encor je ne dis pas
Qu’une belle pleine d’appas
Se présentant à l’aventure
Pour prendre avec moi le plaisir
Que lui suggère la nature
Je n’acceptasse son désir
Mais une que j’irais cherchant
S’allant encor de moi cachant
Je lui témoignerais un jour
Qu’elle aurait trop peu de mérite
Pour m’obliger à son amour
Quand un dédain m’est apparent
Je le rejette indifférent
Je ne m’afflige plus dorénavant
Pour une fille plus inconstante
Que le vent
Adieu Philis je suis heureux
Cessant d’être amoureux
Que ton dédain m’ait rendu sage
Aimant mieux sans comparaison
Que tu me réputes volage
Et sans amour que sans raison
Hommage à De Sainte-Marthe
Scévole de Sainte-Marthe vécut longtemps, essentiellement dans la seconde moitié du XVI° siècle, mais il survécut à celui-ci. Je n’ai quasiment rien changé à son poème :
J’ai passé mon printemps mon été mon automne
Voici le triste hiver qui vient finir mes yeux
Déjà de mille vents le cerveau me bouillonne
J’ai la face ridée et la neige aux cheveux
D’un pas douteux et lent sur trois pieds je chemine
Appuyant d’un bâton mes membres languissants
Mes reins n’en peuvent plus et ma débile échine
Se courbe peu à peu sous le faix de mes ans
Une morne froideur sur mes nerfs épanchée
Engourdit tous mes sens désormais curieux
D’un glaçon endurci j’ai l’oreille bouchée
Et porte en un étui la force de mes yeux
Bien que la jeunesse en moi ne continue
Fasse que ton amour me conserve le coeur
Autant que de mon coeur la chaleur diminue
Daigne de mon esprit augmenter la vigueur
Hommage à Vauquelin
Jean Vauquelin de la Fresnaye fut actif dans la seconde moitié du XVI° siècle. Il est le père de Vauquelin des Yveteaux que nous avons cité le 25/1/2014 :
Je n’ai cessé dès la fleur de mon âge
D’amener sur ma tête péché sur péché
Des dons que j’avais dans l’âme cachés
Plaisant je m’en servais à mon désavantage
Maintenant que la neige a couvert mon visage
Que mes prés les plus beaux sont fanés et fauchés
Et que déjà tant d’années ont mes nerfs desséchés
Ne rappelle pas le mal de mon âme volage
Ne m’abandonne pas En ses ans les plus vieux
Le sage roi des juifs adora de faux dieux
Pour complaire au désir de femmes étrangères
Las ! Fais qu’à ton honneur je puisse ménager
Le reste de mes ans sans de toi m’en aller
Et sans prendre plaisir aux fables mensongères
Hétéro se croit indispensable
Que mon style soit naturel !
C’est pour moi un rêve
Sans poli sans vernis
Sans éclat
Qu’il soit un sourire !
Qu’il devienne un souvenir
Pas une fleur fanée
Qu’il soit comme un joli souvenir d’enfance !
Tombe la douce pluie de la mémoire !
Je veux chanter
N’importe quoi n’importe comment
L’heur et le malheur
Mes souvenirs sont élastiques
Je ne m’enlise pas dans ma mémoire
Mais il y a beaucoup de joies qui ne reviennent pas
Le sommeil me console toujours
Suis-je à l’abri de la solitude ?
Je suis plus heureux seul
Seul sans Dhoquois
Dans ma solitude je ne pense qu’à moi
Je m’aime bien
Je ne veux pas prolonger la rêverie
Il ne faut surtout pas qu’elle devienne extase
Compromission concession indulgence
Ce que j’aime c’est rêver sous les étoiles
Je pense à un éphémère qui ne serait pas provisoire
Je ne veux pas de douce folie
Je ne veux pas sortir de moi-même
Le problème est que je n’ai pas de moi-même
Mon rêve ne s’évanouit pas
Si je ne suis qu’un rêve profitons-en
Pour prendre du bon temps
Hommage à Jean de Sponde
Jean de Sponde est un ancien du 2/11/2013 :
Ecrire est peu c’est mieux de parler et de voir
Qui nous fait solide la terre cet élément
Qui trouve autour de lui l’inconstance amassée ?
Il ne s’ébranle guère parmi l’onde et le vent
Je ressens dans mon âme une guerre civile
Ma raison d’un parti mes sens de l’autre
Chacun son tranchant l’un contre l’autre affile
Si de mes sens mon coeur se départit
Son heur vers ma raison se convertit
Comme un parti plus fort plus juste et plus utile
L’amour est de la peine et non pas du repos
Mais cette peine enfin est de repos suivie
Hommage à Mellin de Saint-Gelais
Mellin de Saint-Gelais est d’une bonne vingtaine d’années plus jeune qu’Octovien déjà cité :
J’allais aux champs à la saison nouvelle
Au temps où l’amour les jeunes gens martelle
Je me suis trouvé chez une demoiselle
Honnête et jeune et gracieuse et belle
Avec un maintien de déesse immortelle
Une si grande beauté n’est pas cruelle
Mais la belle connaissant ma blessure mortelle
S’en tient plus étrange et rebelle
Sa beauté croît et mon mal se renouvelle
Plût à Dieu que je devinsse hirondelle
Je m’en irais le soir en sa ruelle
Je lui dirais : « Voulez-vous être si criminelle
Que de me voir en mort continuelle ? »
Je ne crois pas qu’au coeur d’une pucelle
Il puisse y avoir un glaçon qui tant la gèle
Qu’elle repousse un amant si fidèle
Hommage à Collerye
Roger Collerye est d’autour 1500 :
Qui m’aime me suive
Je suis le Roger Bontemps
A mon banquet nul n’arrive
S’il se fume ou s’évertue
Ou a ses esprits fourvoyés
Gens sans amour gens dévoyés
Je n’en veux pas ni ne les appelle
Qu’ils soient jetés à la pelle
Je n’invite à mon banquet
Que de bons rustres avoués
Moi et mes supports sans dérive
Nous buvons de façon vive
A ceux qui y sont convoqués
Danseurs sauteurs chanteurs oyez
Je vous retiens dans ma chapelle
Sans être jetés à la pelle
Grognards grommeleurs je les prive
Des biens pour eux mal employés
Ma volonté n’est pas rétive
Mieux que toutes elle est consolative
Fraiche gaillarde vous le croyez
Jureurs blasphémateurs vous noyez
Si quelqu’un interjette appel
Qu’il soit jeté à la pelle
Bacchus de ma liste sont rayés
Ceux que je cite à la pelle
De mon vin clairet essayez
Qu’on ne doit pas jeter à la pelle
Hommage à Belleau ( 4 )
Rémy Belleau fut sollicité dès le 23/11/2013 :
Jadis la fille de Tantale
En roc changea sa couleur pâle
Je sais qu’une fille belle
S’est changée en hirondelle
C’est ainsi que parlent les anciens
Moi je voudrais être ton miroir
En deux occasions que je puisse
Te mirant dedans moi te voir
En robe afin que tu me portasses
Dans l’onde afin que tu te lavasses
Ainsi tes beautés je pourrai concevoir
Hommage à Schelandre
Jean de Schelandre est du début du XVII° siècle :
Pour attirer les dames
A la réciproque de nos flammes
Ce n’est rien de la loyauté
Sans les appas de l’éloquence
Que n’ai-je autant de bien-disance
Que tu as de beauté !
Si ton âme plus subtile
Juge la parole inutile
Ne jure que par la persévérance
Que n’ai-je autant de récompense
Que j’ai de fidélité !
Si ton oeil inexorable
Se plait à me voir misérable
Perpétuellement tourmenté
Pour te complaire à ma souffrance
Que n’ai-je autant de patience
Que tu as de cruauté !