Rayonnement

Issu du ciel le rayon s’est posé
Sur la fleur délicate
Miniature
Immémoriale
Au corps subtil comme une messe

Le rayon caresse la chair
Pure comme un baiser
Les seins se gonflent de tendresse
Du lait d’amour
Le corps s’emplit d’allégresse
Dans l’attente que le rayon pénètre
Le coeur ouvert par le désir

L’amour fut fait
La princesse en mourut
Pour être terre et arbre ciel et nuage
Ses doux flancs ses petits seins
Devinrent des montagnes
Et son âme alla nager dans le fleuve des étoiles

Matières secondes

L’influence durable se poursuit en se retirant, dans la retraite
La puissance est progrès ou obscurcissement de la lumière
La famille, le clan permettent de s’opposer ou ne sont qu’un obstacle.
La libération est aussi bien diminution qu’augmentation
La résolution perçante va à l’encontre du rassemblement recueilli
La poussée en hauteur accable, épuise, devient un puits
La révolution ou tout simplement la mutation sont un chaudron d’où sort le tonnerre
La montagne se dresse pour la jeune épousée
La plénitude du voyageur est douce
Le serein se dissout dans ses limites
La vérité intérieure accorde de l’importance à ce qui est peu

Vivre

« Vivre » est le titre d’un film du grand Kurosawa dans lequel un petit homme âgé demande un square pour les enfants de son quartier. Presque rien ? Peu de choses ?
Dans un autre ordre d’idées, le « presque rien », le « je ne sais quoi » ? De Jean de la Croix à Balthasar Gracian, quelque chose ? Un résidu de conscience ?
A des personnes qui se plaignaient devant lui de leur pauvre existence, Montaigne répondait : »Eh quoi ! avez-vous pas vécu ? ». « N’avez-vous pas vécu ? ».
Autour de ces exemples très différents traîne comme un parfum d’essentiel. Rien ne vaut la vie. La vie en nous, autour de nous. La myriade des existences. La multiplicité du vécu. La durée vivante. Nous n’en sommes guère conscients tant qu’elle est là, toujours là, souvent invisible ou presque. Une musique quasiment inaudible.
Ce sentiment de la vie évoque notre conception du bonheur. En fin de compte vie et bonheur se confondent.

Fuite en avant

Le rôle des forts est largement surestimé, par exemple celui des conquérants. Le rôle des « faibles » est pourtant fondamental. Dans l’Histoire biologique, pré-humaine, citons ce poisson qui, il y a près de quatre cent millions d’années, s’est aventuré sur la terre ferme. C’était pour fuir ses prédateurs. Il est à l’origine de tous les tétrapodes terrestres, y compris les humains. Les grandes émigrations qui ont permis à nos ancêtres hominiens de quitter l’Afrique, il y a quelque centaines de milliers d’années, n’ont pas eu de grand chef. Il était nécessaire de ne pas vivre dans des groupes trop nombreux à un faible niveau technique. Quand vous regardez de vastes paysages créés depuis longtemps par l’homme, vous n’en connaissez pas l’auteur. Il existe des créations collectives. Qui, vers dix mille avant le Christ, a initié l’agriculture au Proche-orient ? Sans doute les femmes, spécialistes de la cueillette dans le monde des chasseurs-cueilleurs. Qui enfin a inventé la roue ?

Israel

Je n’aurais pas désiré la création d’Israel. Mon souhait était l’intégration des nombreuses communautés juives, issues de la formidable diaspora jusqu’en Inde et en Chine, dans les pays d’accueil, avec tolérance et respect. Les juifs n’ont rien à se reprocher. Ce n’est pas leur fait si de nombreuses interdictions professionnelles leur interdisaient en particulier de cultiver la terre, avec des exceptions comme le Yémen. Bien au contraire, on ne peut qu’admirer la tradition intellectuelle de ce grand monothéisme, pour moi singulièrement attachante dans la Kabbale. Puis-je rappeler les grands juifs de notre modernité, à peine issus du ghetto, Spinoza, Marx, Freud, Einstein ?
Seuls ont des reproches à faire au peuple juif les habitants de l’antique Canaan, bien avant ce grand juif, le Christ, et les Palestiniens d’aujourd’hui. Le sionisme, extraordinairement renforcé par les conséquences du nazisme, de la Shoah, a abouti à la spoliation des Palestiniens. Le fait que la Palestine soit le territoire des juifs avant l’ère chrétienne n’excuse rien. Il y a prescription.
Mais justement le droit international justifie la conquête, fréquente historiquement, si elle aboutit à une possession paisible. Il n’est pas question de refaire la carte du monde, par exemple de rendre les Etats-Unis aux amérindiens. Israel, membre de l’O.N.U. depuis 1948, doit être considéré comme un Etat-nation semblable aux autres qui ont tous leur spécificité. Depuis 1973 Israel ne fait pour l’essentiel que se défendre.
Nous avons affaire à deux peuples pour le même territoire. Chacun doit faire sa place à l’autre. Malheureusement l’Etat palestinien n’est pas pleinement reconnu. Les colonies juives illégales sont un frein puissant à la paix qui apparait parfois à portée de main, même si les Palestiniens de Gaza ont confié leur destinée aux islamistes du Hamas. Vive Israel sans guerre !

Matières premières

Pas de création sans réception de cette création
La folie accompagne le processus. Au mieux elle reste juvénile. Il faut attendre.
L’attente elle même est un conflit.
Union et solidarité sont à l’image d’une force armée qui réduit jusqu’aux êtres minuscules et souvent les séduit. Cependant la marche vers la paix stagne.
La communauté reste le patrimoine. Elle s’accompagne d’une humilité qui ne va pas sans enthousiasme. La conséquence est le travail qui doit être aussi un effort sur la corruption.
La recherche, puis la contemplation nous mordent au travers de l’éclatement de l’état de grâce, du retour de l’innocence perverse.
L’apprivoisement de tout ce qui est grand passe par les lèvres, la parole, la boisson et la nourriture.
La prépondérance du grand et du grandiose est eau insondable, invisible et feu spectaculaire qui s’attache.
Il faut la durée pour célébrer les noces des contraires qui se sont contrarié. Il faut de nouveau attendre.

Yi King +

Pour la première fois depuis de nombreuses années je me suis dessiné un hexagramme sur le mode du très ancien livre des mutations, des métamorphoses, des transformations chinois, le Yi King :

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Cet hexagramme désigne et même dessine l’opposition entre le feu et l’eau.
Il est le signe même de la Contradiction.
On le sait, la contradiction me hante. Elle est selon moi au coeur de notre histoire personnelle comme de l’Histoire.
Le risque que comporte ce signe est l’isolement.
Nous savons qu’un nombre illimité d’hypothèses est possible a priori, il en subsiste bien peu après vérification par le raisonnement et l’expérience. Les propositions du YI King tiennent depuis près de trois mille ans. Cependant elles ne sont vraiment utilisables que pour l’observation psychologique, jamais pour la divination, sinon par hasard et coïncidence.
L’utilisation du Yi King nécessite une certaine finesse, une finesse singulière du jugement.
Une interprétation plus délicate de mon nouvel hexagramme est la rencontre de la flamme ardente et de la joie paisible, c’est à dire l’un des aspects de la joie.
N.B. : Une personne de ma connaissance a tiré, c’est à dire s’est dessiné, à sa demande, l’hexagramme suivant :


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Cet hexagramme insiste sur les services rendus, la persévérance. Mon ami ne s’est pas reconnu. Il n’est pas charitable. Le dernier aspect de l’hexagramme est qu’il ne faut être agité ni dans ses gestes, ni dans ses paroles. Mon ami ne s’est pas reconnu davantage. Sur l’essentiel, il me semble que ce délicieux personnage confond justice et charité. L’hexagramme vise un esprit de service public.

Bonheur

Le bonheur est pour moi comme la nappe phréatique de nos vies, comme la basse en musique, comme le bruit fondamental de l’univers … Le bonheur pour moi n’est pas du tout végétatif. Il est très vivant, c’est dire qu’il est parcouru de multiples contradictions. A la fin de la Tempête de Shakespeare, c’est à ce sort que j’ai condamné son héroïne, Miranda, dans mon ouvrage, « Histoire de la Pensée historique », un bonheur traversé de mille ennuis. Ils sont si nombreux, surgis de la vie quotidienne, que le bonheur devient invisible. Il ne réapparait parfois qu’à l’occasion d’une catastrophe.
Le bonheur ne va pas de soi, il n’est pas donné, il faut le vouloir, le construire, en avoir une idée. Toute grande philosophie me parait être une école du bonheur, un eudémonisme. Si elle ne l’est pas, ce n’est pas une grande philosophie.
Il est bon d’aider le bonheur. Les menus plaisirs sont bien utiles. Mais chacun a droit à sa conception personnelle du bonheur et surtout à sa pratique. Pour moi le plaisir est important à condition de ne pas s’opposer aux disciplines nécessaires, dont celles du plaisir lui-même. Le plaisir, c’est peut-être surtout le sourire et le rire. :)=:-)
La joie est ce qu’il y a de plus mystérieux, de plus excitant. Elle est dans l’instant comme le plaisir, mais elle a la profondeur du bonheur. On la ressent parfois après l’amour. Elle surgit quelquefois de nulle part pour disparaître bien vite. Cette intuition ne se commande pas. Elle est toutefois impossible sans le sens du bonheur.

Fleurs

Mes amis connus
Mes amis inconnus
Les plus nombreux hélas
Venez sur la rive

Regardez la mer
Ecoutez la pleurer
D’une voix rauque
Et désagréable

Un jour nous prendrons tous
Des barques et nous irons
Suivant le ciel et la carte
Et les sillons de la mer
A l’ile parfumée
A l’ile bienheureuse
Où les idées sont plus grandes
Que nos volontés

L’enfant n’abdiquera plus
En l’homme

Il se lève
Des livres éternels
Et des champs périssables

La beauté la raison
Sont les suprêmes glaïeuls
Ma femme et mes amis