PFR 15

L’oeillet de mer pousse dans le sable
La pervenche est trop périssable
Le fenouil craque sous la dent des chèvres
Te souviens-tu de la brise au sel subtil
Qui nous brûle les lèvres ?

Mon âme est née sur une plage
Plus loin la savane est en fleurs
La ramure propice aux ramiers
Nous charme de murmures et de roucoulements

La vie est une image vaine
Peinte sur les murs
Les hiéroglyphes sont plus clairs
Mais ne me disent rien
Tes larmes menteuses
Mirent le soleil
Mourir est une ombre vaine
N’écoute pas battre un coeur qui a peur
C’est une étrange peine

PFR 14

Mon ami le cerf des villes ne sort que la nuit
Pour brouter les squares de la ville
La nuit est toujours la nuit
Par contre l’herbe est d’enfer

La porte s’ouvre toute seule
Par contre quelqu’un parle
J’allume la lampe
Les fleurs de papier sont rubicondes
La copine dans le lit s’apprête à m’emporter ailleurs

Je ne connais pas la pierre de lune
Mais des villes de velours blanc
Il est heureux que ma chambre soit douillette
Ma raison est hagarde
Je ne sais pas choisir entre l’ombre et la lumière
Mes yeux d’apparition mystique ne voient plus rien
Je titube jusqu’à la porte
Tu ne sens pas qu’on touche à ta maison
Presque évanoui de joie de froid d’amour
Je suis un humain en pleurs
Tu n’as rien su de cette nuit un peu folle
Je me refuse à l’obscur charnier des ruptures sanglantes
Je suis mort en toi Tu es morte en moi
Les vrais fous doivent être calmes
Tiens un crapaud sort de la cave
Mort à la mort !

PFR 13

Mes méninges déménagent à la cloche de bois
Les manèges comportent des ménageries
Pour un tigre solitaire qui ne pense qu’à lui
Ne pas ménager le manager
Qui ne doit pas mener ton ménage
Les manèges déménagent
Rien ne vaut un bon déménagement

Une tête de squelette me mord le doigt
Une tête de mort enfin m’aperçoit
La neige n’est pas la mort
Je suis bien avec toi
La petite boule sans dents a une personnalité conquérante

Madame et monsieur sont gourmets plus que gourmés
Ils ne pensent qu’à Fantômas
Ils attendent toujours que celui-ci les serve
C’est ce qui est stipulé dans le réglement et le menu
Fantômas leur envoie un copain
Spécialiste des sauces aux câpres
Fantômas a perdu son coup de main

PFR 12

Un tombereau grince Le cheval trébuche
Un enfant est perdu le ciel est noir
De pauvres bruits âcres résonnent partout
Je suis vulgaire Ma poésie est vulgaire
Je ne peux pas m’en empêcher

Il y a des gens qui prennent l’air
Il n’y a rien d’autre soudain
Le village est transfiguré
Certains humains ont le sens du rythme
L’air qu’on respire a le sens du mental

Derrière les carreaux je regarde la rue
Un charretier passe avec ses chevaux
Mon être est désert sans chevaux
Mon être Je ne sais pas qui c’est
Le fouet est bien un chien ailé à l’unique croc
Je souhaite que la douleur se termine en soupir
Les doigts passionnés cherchent les cerveaux
La rue ne gravite pas autour de ma pauvre tête
J’attire les choses qui s’ignorent
Mon âme n’est plus qu’une vapeur incolore
Le mélange des corps et des âmes des habitants et des maisons
Forme l’aura qui nimbe mon cerveau

PFR 11

Je préfère les borborygmes aux onomatopées
Ils sont davantage la chanson de moi-même
Je m’efforce de ne pas rire
Y-a-t-il la même chose dans la pensée ?
J’aime les poèmes à mon image

Le train glisse à travers les campagnes illuminées
J’aime le parcourir en chantonnant
Je suis un enfant amoureux des trains
A part ça je ne veux rien savoir
J’espère éternellement des choses vagues
C’est mieux quand elle bougent

Une femme en noir et blanc
Portait deux seaux suspendus
Aux deux côtés d’un long bâton de bois
Un enfant presque un bébé lui tira la robe
Elle s’inclina et lui offrit un peu d’eau pure
Dans l’un des seaux en métal
C’est bon de vivre maintenant

PFR 10

Ma vieille tante fumait la pipe
Elle racontait de terribles histoires
Son grand succès était le Petit Poucet
Qui semait des cailloux sur son chemin
Ainsi que font les fous
Les poètes quant à eux sèment des étoiles
Chansons bleues et romans noirs
Tata vendait du tumulte
Elle ne se faisait pas payer
Ses dents étaient jaunies de nicotine
Dans mon jeune temps je l’ai crue immortelle
J’aime toujours ma poète en jupons

PFR 9

Du rouge au vert le jaune se meurt
Il y a un poème à écrire sur l’oiseau qui a deux ailes
Les araignées tissent la lumière
Je tente en vain de prendre du repos
Tout commence à minuit
Quand on a le temps on a la liberté
Ma paire de godillots devant la fenêtre
Il n’y a pas que des puits dans l’univers
Le train nocturne fuit l’hiver blanc
Les fenêtres s’ouvrent comme des oranges
Le beau bruit de la lumière
Un sourire et tout sourit

J’adore le bon sens
Ce n’est pas raisonnable je sais
J’ai perdu beaucoup dans l’effroyable lutte
Je connais le vieux et le nouveau
Le droit et le gauche
L’ordre et le désordre
Mais je ne guette plus l’aventure
J’aurais voulu t’offrir de vastes et étranges domaines
Le mystère est en fleurs
Je ne suis pas votre ennemi
Les fantasmes sont impondérables
Il faut leur donner de la réalité
La bonté contrée énorme où tout se tait
La bonté pas la pitié
Nous arrivons au temps de la raison ardente
Elle prend bien des formes
Malheureusement les fleurs se fanent
Par exemple ces roses-thé
Il y a des choses que je n’ose dire

PFR 8

Tu me regardes fixement ça me rend malade
Votre sang m’inonde
L’amour dont je souffre est une maladie honteuse
Je ne veux pas survivre dans l’insomnie et l’angoisse
C’est toujours toi cette image qui passe
Je regarde avec peur les poulpes des profondeurs
Ils sont sympa pourtant, ils aiment le plastique
Les poissons ne sont pas des sauveurs
Un minuscule insecte dort au coeur de la rose
Tu étais triste le jour où tu t’es vue
Tu t’aperçois enfin des mensonges de l’âge
Tu as vécu comme une folle
Tu as perdu ton temps
Tu regardes les yeux pleins de larmes les pauvres migrants
Ton édredon est rouge
Tout est irréel surtout le réel
Ton bar n’est pas crapuleux
Les mains des pauvres femmes sont dures et gercées
Certaines ont un rire horrible
Je ne bois plus l’alcool brûlant comme ma vie
Je ne fréquente plus les esprits inférieurs des espérances obscures
C’est rigolo Le soleil et la lune ont le cou coupé

PFR 7

Tu es lasse de ce monde ancien
Les ponts sont des moutons
La religion est religieuse
Elle doit rester simple voire simplette ou simpliste
La poésie pour toi est un prospectus
Par hasard je marche dans une jolie rue
Une sirène gémit Une cloche rageuse y aboie vers midi
Tu es enfant en blanc et bleu
Elles sont belles les pompes de l’Eglise
Je pleure l’arbre touffu de touts les prières
On l’appelle voleur parce qu’il sait voler
L’avion se pose enfin sans replier ses ailes
A tire-d’aile surviennent les corneilles
La colombe est escortée par l’oiseau-lyre et le paon ocellé
Ce qui prime c’est le talent, tous les talents
Tu marches seule dans la foule
Des troupeaux d’automobiles mugissent près de toi
Les étincelles de ton rire dorent ma vie
Je suis un vieux tableau pendu dans un pauvre musée
Les femmes sont ensanglantées dans les rues de Paris
Je ne vois plus que le déclin de la beauté

PFR 6

Les femmes cousent dans la maison voisine
Je remplis le poêle et mets l’eau du café
Le chat s’étire après s’être chauffé
Le rossignol chante un peu chaque nuit
L’effraie lui ulule
Le cyprès est fier d’être droit
La neige est sévère
La forêt là-bas a une voix grave
Encore un peu de café s’il te plait
Ne dis pas que je n’aime que moi-même
C’est amusant le vent fait danser les sapins
Où range-t-on les suaires ?
Mon chien aboie sur les passants
J’aperçois une femme âgée se signer
Dans la nuit indécise