Monsieur 50% et madame Très mince

Il rencontre une ancienne amie qu’il n’a pas vue depuis vingt ans. Il n’arrive pas à se souvenir de son nom. Il se plaint de n’avoir fait que la moitié du travail. J’ai tellement sacrifié à ma recherche que j’ai oublié de communiquer avec mon public potentiel. Il conclut : « Je n’ai fait que 50% du boulot. Je suis le contraire de B.H.L. ou de Kouchner ». Elle intervient : « Pas le contraire, l’opposé ». Il proteste; elle éructe; l’insulte. « Tu n’as pas changé, tu étais con à vingt ans »… Elle se calme et lui donne sa carte: « Ca peut toujours servir ». Il lit : « Madame Très mince, Délirium Très mince ».

Déceptions

En 2002 j’ai découvert que la classe ouvrière votait en majorité pour le Front National.
En 2014 la jeunesse a voté majoritairement Front National.
Je suis décontenancé.
Certes il s’agit de majorités très relatives, entre 20 et 25% des suffrages exprimés. Mais les abstentionnistes ne valent pas beaucoup mieux.
Je n’en reviens pas.

Le général

Ma plus belle période politique, toujours en tant que citoyen de base, fut celle où le général de Gaulle était au pouvoir après la guerre d’Algérie, 1962. J’étais très à gauche, mais j’admirais le général. Non seulement le chef de la France libre, plus celui qui nous avait épargné une guerre civile en 1958, mais le président dont j’appréciais la politique institutionnelle ( j’avais détesté la IV° République ) et surtout la politique étrangère ( d’indépendance nationale ) et militaire. Ayant vécu en Algérie de 1964 à 1968 je peux témoigner de l’enthousiasme que suscitait le général chez nos amis algériens. Je gagnais sur les deux tableaux : j’étais à la fois opposé au général, partisan de mai 1968, et son ami respectueux de loin. Je dois avouer que j’ai versé quelques larmes à l’annonce de sa mort.
Aujourd’hui sous Hollande je suis dans l’incertitude.

Le revers de la médaille

J’ai tout raté, tout. Sauf peut-être que j’ai accepté de vieillir. Comme dit mon épouse, depuis cinquante-trois ans dans un mois, Régine, le pire dans la vieillesse, c’est de ne pas l’assumer. Ce serait contraire à l’ordre du monde.
Pour obéir à cette loi divine pour les athées, je suis presque heureux dans la contemplation de mes échecs. Les échecs dont je parle sont l’envers de réussites. Eh oui !
Enfant de pauvres, j’ai décidé à l’âge de onze ans de devenir professeur d’histoire parce que j’avais plus de mémoire que d’intelligence. J’ai enseigné l’histoire pendant quarante ans avec un succès relatif. Mais pour moi tout est Histoire, ce qui explique ma persévérance.
Il y a eu surdétermination : ce qui paraissait conjoncturel était aussi structurel. Mon choix de jeunesse était celui d’une vie. J’en suis content.
Maintenant je suis à la retraite. Heureux ! Je suis heureux. Je me demande à cette heure-çi si le bonheur n’est pas le pire des échecs. Disons plutôt que le bonheur comporte une part d’échec qu’il faut là encore assumer, accepter. Tout bonheur comporte une part de résignation.
Pour moi il n’y a qu’une solution : je serai heureux quand même.
En dépit de tous les préjugés qui veulent qu’une vie obscure et sans prétention soit un échec, je suis heureux. En dépit du fait patent qu’une vie obscure ne l’est pas volontairement.
Je pense que le pire échec est de ne pas assumer ses échecs. Je ne suis pas sans penser aussi que l’échec se dissimule dans le bonheur lui-même. A échelle humaine même le bonheur n’est pas parfait.
Je suis swing, je ne suis pas swag.
J’ai tout raté même cet article. Il est pourtant essentiel selon moi !? Selon moi seulement ? Ce n’est pas possible ! ?
Rien dans ces domaines fondamentaux ne se conclue donc ? Je rate même mes échecs ?
J’aimerais dire : « Je ne me résigne à rien et j’assume tout ».
Un vieux slogan peut-il suffire ? : « Respect existence or expect resistance ». Aucun slogan ne suffit.
La vie est un combat, ce n’est pas une guerre ( ? ). Ma conclusion est qu’à un certain niveau échec et succès se confondent provisoirement. Ou encore que j’ai eu beaucoup plus de succès que d’échecs dont ma femme et ma fille, quelques amis et bien des choses encore au quotidien…
Je persiste et signe. Je résiste et baigne dans le bonheur !?
J’ai tout raté, sauf l’essentiel. Formule excessive et donc insignifiante !?

Histoire et histoire

Les liens entre Histoire réelle, factuelle et Théorie de l’Histoire ne sont pas évidents. Prenons mon petit cas. Dans les années soixante et soixante-dix je me suis donc trompé en misant sur la puissance du parti communiste français et de l’Union Soviétique tout en les critiquant vertement.
Je me souviens de Lévi-Strauss se condamnant au silence pour avoir été pacifiste avant la deuxième guerre mondiale.
Cependant, si je regarde mes propositions théoriques de l’époque, je n’ai rien à changer sur le fond. L’Histoire me parait toujours fondée, en dehors de l’idéologie, de la parenté et de la communication, sur la Production, de façon marxienne, et sur les systèmes politiques, le Politique, sur le mode de Montesquieu. Mes définitions et mes classifications me paraissent toujours valides.

L’unité des quatre

Il n’est pas si facile de trouver une unité aux quatre fantastiques, Spinoza, Marx, Freud, Einstein. Nous ne la trouverons pas dans le judaïsme qui les a rendus possibles, mais qu’ils ont abjuré, ni dans leur nationalité. Spinoza était hollandais, est mort aux Pays-Bas. Marx, Freud, Einstein font partie de la flamboyante germanité du XIX° siècle, mais l’un était allemand, le deuxième autrichien, le troisième suisse. A noter que les trois sont morts dans un pays anglo-saxon à la tolérance intelligente. Deux en Angleterre, le dernier aux Etats-Unis.
Cherchons une unité logique : Spinoza nous propose que le Tout est Un ou plutôt que le Un est Tout à partir de postulats établis sur le modèle de ceux d’Euclide le géomètre. Ils sont tout aussi contestables.
Sautons jusqu’à Einstein. Pour celui-ci le Tout est relatif moyennant certaines constantes peut-être provisoires.
Un Tout relatif peut signifier un Tout historisé. Tout est Histoire. Nous retrouvons Marx qui cherche l’Unité du communisme primitif au communisme final. Les deux sont problématiques, le premier est mal établi, le second impossible du moins de notre point de vue provisoire.
Il est d’autant plus difficile que Freud a montré que sous nos apparences polies se cachent des réalités obscures.
Là encore il y a du travail.

Des millions de fantastiques

Le fait que nous ayons insisté sur quatre juifs fantastiques ne signifie pas qu’il n’y ait pas beaucoup d’autres fantastiques ailleurs. Ne prenons que l’Angleterre de Bacon, Newton, Darwin…
Il y a plus, beaucoup plus. Notre histoire vole de cime en cime, ce qui se justifie partiellement par l’inégalité des talents. Mais ces sommets oublient qu’ils sont impossibles sans chaines de montagnes. Que dire des plaines et des plateaux ?
Notre histoire inégalitaire ignore des pans entiers de la réalité, par exemple l’histoire de l’emballage, celle du clou …
Allons beaucoup plus loin. Notre organisme porte des traces de la constitution de l’univers, de l’évolution biologique, de notre pré-histoire…
Notre organisme, dont notre cerveau. En principe se constitue devant nous le véritable inconscient, ce qui nous constitue et dont nous ne pouvons être conscients.
Au sommet de ces événements structurels, à la lisière de subconscient, à des niveaux enfouis, se situe le reliquat, mal exploré et mal connu, de grands événements de notre histoire commune comme de notre histoire personnelle…
Au travail, citoyens !

Dieu n’est pas mort

Dieu n’est pas mort. Pour mourir il aurait fallu qu’il existât.
Dieu ne peut pas mourir parce qu’il est le fruit de l’imagination humaine.
L’être humain a cherché son unité dans le ciel de la transcendance.
L’être humain devrait chercher son unité dans l’unité terrestre et terrienne de son Histoire.
Aporie hégélienne : Hégel a maintenu la transcendance comme départ et aboutissement de l’Histoire.
Apprenons à nous contenter de notre immanence.
Elle peut comporter sa propre transcendance.
Il serait bon de se contenter d’une transcendance immanente.
Mais Dieu n’est pas mort.
Je rappelle qu’on ne peut pas prouver qu’il n’existe pas.

Les origines de l’Humanité

Depuis quelque deux cents millénaires l’Humanité est divisée en trois blocs ethniques, trois continents :
Le premier est noir, originel. africain, avec des prolongements très anciens en Mélanésie et Australie. Le racisme à son égard signifie le refus de nos origines.
Le deuxième est blanc, en fait plus ou moins décoloré, brun, bistre, pâle…, occidental en un sens large, y compris les Sémites et les Indiens de l’Inde. Les Extrême-Occidentaux ont conquis les mers.
Le troisième est jaune, extrême-asiatique, y compris les Amérindiens qui, en approximativement cent mille ans, ont conquis les Amériques. En Asie sont nées sur cette base des civilisations minutieuses.
Le métissage entre ces groupes est aisé, va presque de soi. A notre époque le conflit fondamental oppose les Etats-Unis et la Chine. Il peut rester pacifique.
Rappelons que les races n’existent pas. Elles ne sont pas des essences. Au niveau des apparences elles sont singulièrement superficielles. La couleur de la peau n’est qu’un marqueur souvent nuisible, parfois utile comme le type « caucasien » pour la police américaine.
Nous avons désigné des millénaires d’histoire différentielle qui n’ont pas atteint l’unité de l’espèce humaine.
La plupart de faits que je viens d’évoquer sont hypothétiques, sérieusement hypothétiques.

Petit début d’autobiographie

En octobre 1955, j’avais encore dix-sept ans pour un mois, j’ai adhéré à la S.F.I.O., l’ancêtre de notre parti socialiste. Mon calcul était simple : un citoyen se devait d’être membre d’un parti politique. Je ne voulais ni d’une organisation minuscule, groupusculaire, ni d’un parti dogmatique, sectaire, fourrier d’un despotisme quelconque.
Malheureusement, dès 1956, Mollet, au nom du parti socialiste, choisissait la guerre en Algérie. J’ai commencé un long processus de radicalisation. En 1958 j’ai accompagné, à mon petit niveau, la scission qui a donné naissance au P.S.A. ( parti socialiste autonome ). La fusion avec de petites organisations a donné le P.S.U. ( parti socialiste unifié ). J’ai fait partie du premier secrétariat national des étudiants de ce petit parti ( E.S.U. ) en 1961.
Les événements des années soixante, les guerres de décolonisation, le schisme sino-soviétique, mai 1968 ont prolongé ma radicalisation. J’ai même adhéré au P.C. en 1963. J’y suis resté trois ans. J’avais adopté un point de vue hégélien : le faux est un moment du vrai.