Je me souviens avec émotion d’un commentaire radiodiffusé : « Joseph fait une course admirable » « Oui, Philippe, le Français est époustouflant comme d’habitude » « La course est presque terminée et Joseph est toujours en tête du troisième groupe de poursuivants »… J’ajouterai que je n’ai jamais su qui avait gagné l’épreuve, un « étranger » sûrement.
Le chauvinisme bête sévit toujours sur nos média. Les Français ne sont pas les seuls. Je me souviens d’une expérience analogue en Belgique !
Mais le pire n’est pas le chauvinisme pseudo-patriotique. Pour moi c’est le chauvinisme sexiste, le chauvinisme mâle. Le sport féminin est honteusement sous-estimé par nos média.
Dieu est mort ?
Dieu est mort, tout est permis. Il est vrai. Mais Dieu n’est pas mort. Pour mourir il aurait fallu qu’Il existât. Faute de Dieu, on se débrouille avec la Loi.
Dieu est mort, tout est possible. Mais l’idée de Dieu ne meurt pas. Rappelons qu’on ne peut pas prouver que Dieu n’existe pas. La possibilité qu’Il existe est peut-être infime. Son infinité suffit à tout remplir. J’ai déjà proposé qu’agir humainement, au sens positif du terme, doit plaire à Dieu s’Il existe sans qu’il soit nécessaire de L’invoquer.
Dieu est vivant, tout au moins en idée. Son infinité échappe à tous. Dieu n’appartient à personne.
Le machiavélisme du pauvre
« C’est comme ça que ça marche ! ». Combien de fois peut-on entendre cette phrase dans tous les milieux et plus particulièrement à l’extrême-droite et à l’extrême-gauche ! Ce machiavélisme facile, ce cynisme stérile pourrissent beaucoup d’actions et de mouvements.
C’est ainsi que la classe ouvrière en France vote principalement Front national par xénophobie empirique, par peur de la concurrence suscitée par la main d’oeuvre immigrée. Le phénomène a été plus accentué dans le mouvement ouvrier aux Etats-Unis à la fin du XIX° siècle. Des fils d’immigrés s’opposèrent à la dernière vague d’immigration.
Tant que des moeurs de ce genre seront importantes, même si elles ne prévalent pas, il faudra, sans se faire d’illusions, rappeler que dans le système capitaliste des lois et des règlements s’appliquent, s’imposent même si une minorité les contourne.
Dire « tous pourris » , c’est déjà énoncer quelque chose de sa propre pourriture. Ce n’est pas pour autant qu’on niera l’importance de la corruption . Elle commence tôt, ne serait-ce que par une ambition sans frein.
« L’homme est un loup pour l’homme ». L’homme est souvent un loup pour l’homme. Rien ne prouve qu’il faille s’arrêter là. Comme le proposait Pascal que nous translatons ainsi : « Faute que la justice soit forte, faisons au moins que la force soit juste ».
« Tout ce qui est excessif est insignifiant ». La vilenie commune est excessive, elle n’est pas insignifiante.
Division des pouvoirs
A la suite de Montesquieu, je suis un fan de la division des pouvoirs afin d’empêcher leur concentration, synonyme de tyrannie, supposée être provisoire, et de despotisme, appelé à durer. Pour moi cette division ne s’arrête pas aux grandes institutions de l’Etat qui relèvent du législatif, de l’exécutif et du judiciaire. Elle doit s’insinuer, s’insérer dans tous les rouages de la société afin de garantir les libertés, faute de vertu suffisante.
Je suis fan au point de ne concevoir le socialisme que fondé sur cette superbe division des pouvoirs, garante de l’épanouissement de la personne et des collectivités de base. Je pense rejoindre ainsi l’esprit d’un certain socialisme utopique.
C’est donc sous le signe de la division des pouvoirs que je passe de l’Honneur, cher à Montesquieu, principe des monarchie ( sous sa forme moderne concurrence de tous contre tous ), à la Vertu, principe des républiques, toujours selon Montesquieu, et pour moi du socialisme.
Je persiste et signe : La vertu, ressort par principe des républiques antiques et non des républiques italiennes du Moyen-Age, subordonnée dans le capitalisme ( par exemple sous la forme du protestantisme ), s’impose dans le socialisme à un niveau supérieur, ciment social sous la division des pouvoirs. Cette dernière, qui existait déjà dans les républiques antiques, est la seule protection à notre époque et dans l’avenir prévisible contre l’étatisation excessive, bien vite synonyme de despotisme.
Sens et bon sens
Les thèmes conjoints du sens commun et du Bon Sens s’associent et se séparent sans cesse dans ce que j’écris. Le sens commun est reçu à l’enfance et se perpétue dans la vie sociale. Il est proche des cinq sens. J’ai récemment défini le Bon Sens par son exigence de vérification et son insistance sur le raisonnement.
Le Bon Sens et le sens commun ont en commun une foule de choses. L’enfance, matrice du sens commun, est généralement joyeuse, mais devine l’existence des monstres. Le sens commun, commun curieusement à Héraclite et à l’empirisme anglo-saxon, est la base, le socle de l’expérience. Il est proche de la banalité, banalité souvent de base. Le sens commun et le Bon Sens savent tous les deux comment on fait les enfants, que la famille est nécessaire, haut lieu du sens commun.
Mais pour le sens commun le soleil continue à tourner autour de la terre. La grande victoire du Bon Sens est qu’il a établi, une fois pour toutes, que c’est la terre qui tourne autour du soleil.
Les tableaux de ma grandmère
J’avais quatorze ans, j’étais encore petit. Ma grand-mère m’a demandé pourquoi les tableaux qu’elle avait accrochés au mur avaient moins de valeur que ceux qu’on peut voir au Louvre. Je doutais qu’elle ait jamais été au Louvre, je pensais que ses toiles étaient des croutes, mais je n’ai pas su quoi lui répondre. J’ai balbutié quelques mots dont je ne me souviens même pas. Encore aujourd’hui mon embarras est grand alors que mes convictions sont profondes…
Je me contente d’être un bos suetus, c’est à dire un boeuf assidu à son aire. Aucun rapport avec le grand Bossuet, « l’orateur sublime des idées communes »…
Henri Bergson
A l’age de dix-sept ans j’ai presque tout lu de Bergson. Je l’aimais beaucoup. J’adhérais à son évolution créatrice, à son sens du temps comme durée vécue, vivante. Ensuite j’ai abordé d’autres auteurs, à commencer par Platon. Peu à peu Bergson est entré dans une sorte de pénombre. Je lui ai gardé mon amitié.
Une phrase de Bergson me revient. Je la cite de mémoire : « Tout philosophe a en tête une idée qu’il passe sa vie à essayer d’exprimer sans jamais y arriver ». C’est ce qui m’arrive dans ce blog.
Contrats
Un ami, roi de l’entregent, m’écoutait parler des contrats à conclure entre nous tous pour une vie quotidienne plus assurée dans ses principes et dans ses réalisations. Il m’interrompit : « Non, non, Guy ». Je compris instantanément ce qu’il voulait dire : nos rapports humains sont trop fluides, voire trop évanescents pour des conventions un minimum rigides. Cet ami est devenu producteur de cinéma de même qu’un autre prince de l’entregent que nous connaissions bien, croyions-nous. Nous avons perdu leur contact.
En fait je n’ai réussi à avoir un contrat de vie quotidienne qu’avec ma femme, encore a-t-il été soumis à certaines amodiations et n’a pas réussi à tout couvrir de nos faits et gestes.
Cependant mon idée avait quelque chose de juste : un idéal de lucidité, de transparence et de continuité. Mais la plupart des relations humaines, y compris sexuelles, sont superficielles et brèves. Elles sont de l’ordre de la politesse, de la convention en ce sens, et non des contrats, des conventions qu’on appelle légalement formées et qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ( article 1134 du code civil ).
Italie
L’Italie me fait rêver. En dehors de la France, c’est le pays que je privilégie. Je préfère du reste l’Italie et ses trésors aux Italiens, attitude dangereuse.
Chaque nation occidentale s’est constituée de façon singulière. L’Angleterre a beaucoup dépendu de son insularité et de la diversité des apports qu’elle a reçus : celte, romain, germaniques, français. Au début du XIV° siècle on parlait encore français à la Chambre des Communes. La France s’est construite autour de l’Etat, monarchique avant d’être républicain. L’expression « les quarante rois qui ont fait la France » est juste.
L’Italie reste dans une certaine mesure une « expression géographique » comme l’affirmait le chancelier d’Autriche Metternich au XIX° siècle. Les différences régionales sont plus accentuées qu’ailleurs, surtout entre le Nord et le Sud, le fameux Mezzogiorno.
Mais le phénomène que je souhaite souligner est la diversité des villes. La splendeur de la culture italienne s’est développée du XIII° siècle au XVI° sur la concurrence des Cités, avec en tête Florence, mais aussi dans la seule Toscane Pise, Sienne…et en dehors Gênes, Venise, puis Rome, Milan, Naples, etc…
On ne saurait imaginer le prestige de l’Italie à cette époque. A la fin de celle-ci elle a donné deux reines Médicis, issues de Florence, au royaume de France. Le voyage en Italie fut longtemps une nécessité, pour le Français Du Bellay au XVI° siècle et surtout pour l’Allemand Goethe, encore à la fin du XVIII°. Naples est la plus grande ville qu’il ait connue.
Le patriotisme urbain est très vivace en Italie, plus qu’ailleurs. Ce qui explique en partie la vie animée du football italien. En pleine fin du XX° siècle on a vu surgir en Italie du Nord une réminiscence de la ligue des villes lombardes du XIII°, la « Liga del Nord », organisation politique de Droite, opposée au Sud.
L’Etat est plus faible qu’ailleurs en Italie. Mais celle-ci, depuis Cavour et Garibaldi, après le Risorgimento critiqué par Metternich, s’est constituée en Nation, peut-être parce que nous vivons dans un monde d’Etats-Nations.