Ô prunelle, t’en souviens-tu ?

Ô prunelle, t’en souviens-tu ?

Quand tu étais perdue

Au-delà du présent

Quand la paupière

Tremblait sur le qui-vive

Et la poussière ricanait

Au tournant des cils


Ô prunelle, t’en souviens-tu ?

Quand tu contemplais

En silence et sans témoin

Les traces de l’éternel

C’était à la frontière

Entre l’invisible et l’entrevu

Le manifeste et le disparu


Ô prunelle, t’en souviens-tu ?

Je sais que tu es fatiguée

De tout ce que tu as vu

À ne plus savoir

De quelles larmes couler

Entre le meilleur et le pire

Ni quelle ligne du cœur suivre

Mais le regard demeure à vivre


Maria Zaki (Sillages, 2014).

Dans les bras du silence

Dans les bras du silence

Un bras tendre

Et un bras de fer

Elle s’est assoupie


Une main a ouvert

La boite bleue

De ses rêves avant

La tombée de la nuit


Ces rêves se couvrant

De couleurs éphémères

Protègent son âme

De ce qui semble acquis

Maria Zaki (Inédit, 2017).

La science éclaire l’homme

Considérer tout comme faux

Là commence le vrai

C’est en forme d’interrogation

Qu’on pose la première objectivité


La science éclaire l’homme

Et l’arrache à l’obscur qui l’exalte

Elle le mène à tester et à contester

Ses limites et ses possibilités


Alors chacun de ses pas

Devient le premier

Pour déjouer les pièges

Qui réclament son retour

Aux illusions personnelles

Ou aux délires en comité


Nous disons ce que nous disons

Pour que l’ignorance

N’ait pas le dernier mot

Pour qu’apparence et croyance

Ne l’emportent pas sur la vérité

Maria Zaki (Inédit, 2017).

Danser dans le noir

Danser dans le noir

En vieille habituée

Peu avant l’aube

Bien avant la délivrance


Risquer quelques pas

Entre deux peurs

En gestes repères

Pour baliser le ciel

Quand les étoiles

Jouent l’indifférence


Puis suivre un rayon

De lumière

Fragile et incertain

Sur le courant

Bleuté de la terre

Sans perdre la cadence

Maria Zaki (Inédit, 2017).

Quand les montagnes

Quand les montagnes

Deviennent fluides

Nage

Dans leurs vagues

Jusqu’à moi


Respire très fort

Avec l’envie

De suivre le mouvement

Sur le versant invisible

De l’existence


Celui où l’imaginaire

Se plaît

Mais que le réel

N’effraie pas


Reprends-toi

Avant que les vagues

Ne se refigent

En montagnes


Mesure ton émoi

Incarné par les signes

Et demeure-moi

D’une aimance commune

Maria Zaki (Extrait du recueil « Le chant de l’aimance » à paraître en 2018).

Une goutte d’eau (قطرة من الماء)

Entre la marjolaine

Et le jasmin

Les lis et les iris

Le petit ruisseau

Poursuit son chemin


De son léger murmure

Tout le monde se moque

Personne n’en a cure


Et pourtant

Presque à contre-courant

Sa petite musique

Vient défier le temps

Sans cesse elle indique

Aux âmes de panser

Les plaies de l’époque


Il n’est jamais trop tard

Il n’est jamais trop tôt

Quand bien écouter

Le chant du ruisseau

Ne nous porte qu’à boire

Une seule goutte d’eau

ما بين السمسق

والياسمين

والزنبق والسوسن

يواصل الغدير

طريقه


الكل يسخرون

من حفيفه الخافت

ولا يبالون


لكن أنغامه البسيطة

تتحدى الحين

وتحفز النفوس دوماً

على معالجة

جروح الزمان


لم يفت الأوان

ولسنا نستبق الأجل

لتذوق موجات غنائه
إذا نحن شربنا من مائه
قطرة واحدة

Extrait de “Hormis le silence, Poésie entrecroisée ” de Maria Zaki et Jacques Herman, L’Harmattan, 2017.

Hormis le silence (ما عدا الصمت)

Pour entendre l’infini

Chaque être

Vit à son rythme

Ou vif ou alangui


Si les sons étaient fiables

Et les mots immuables

Le monde se viderait

De son mystère


L’oreille comme l’aile

De l’oiseau vient à se tendre

Elle ne perçoit pour bruit

Qu’un murmure du vent

Tout ce que l’on veut prendre

Depuis longtemps est pris


Si la montagne parlait

Elle ne saurait guère

Ce qu’elle devrait

Dire ou taire


La parole est un mur

De sable qui s’altère

Et rien sur cette terre

Jamais ne perdure

Hormis le silence


للاستماع للامحدود

كل كائن

يعيش على وتيرته

بحيوية أو بتراخ


لو صدقت كل الأصوات

ولو ثبتت كل الكلمات

لفرغ العالم

من كل أسراره


أذن الطائر تتمدد

مثل جناحه

لكنها لا تسمع

إلا همس الريح

كل ما نريد إدراكه

قد أدرك من زمان


لو كان الجبل ينطق

لما علم ما يجب

أن يعلن أو أن يكن


الكلام جدار

من رمل ينهار

ولا شيء على هذه الأرض

يدوم أبدا

ما عدا الصمت

Extrait de “Hormis le silence, Poésie entrecroisée ” de Maria Zaki et Jacques Herman, L’Harmattan, 2017.

Ne passez pas (لا تمروا)

Ne passez pas sous les voûtes fragiles

Des jours à venir que votre esprit dessine

Et qui jamais ne verront le jour

Fruits lamentables de cogitations

Ou de désirs imbéciles


C’est au présent que l’on sème

Les graines du chemin

Qui s’étirera jusqu’aux confins

De vos lendemains

Et à tout moment

Peut se jouer autrement

La partition du temps qui ne fait

Que tromper votre fin


Mais fixez vos regards

Sombres et tremblotants

Sur la zone bleu pâle qui sépare la ville

Des champs qui s’étendent

Jusques à l’horizon

Et comptez vos heures à rebours


Puis reposez-vous sans gémir

Sur votre cœur blessé

Et sans chercher

Dans le crépuscule

Des reliques de gloire

De grandeur

Et de fortune


Enfin fermez les yeux

Et croisez-vous les bras

Puis dans un court silence

Tentez d’implorer Dieu

Et laissez votre science

Mourir sans fracas

Comme une bougie

S’éteint à petit feu


لا تمروا تحث الأقبية الهشة

للأيام المقبلة

التي ترسمها لكم نفوسكم

والتي لن تتحقق أبدا

فهي ليست إلا خزعبلات

أو رغبات غبية


اليوم نزرع البذور

على الطريق

الذي يمتد نحو تخوم الغد

لكن معزوفة الزمن الآتي

قد يخالف إيقاعها ما نرسمه

لمشهد الختام


ثبتوا نظراتكم المكتئبة المرتجفة

نحو الفضاء الأزرق الشاحب

الفاصل بين المدينة

والحقول الممتدة للأفق

وارجعوا بعقارب الساعة

إلى الوراء


ثم استريحوا

ولا تنوحوا

على قلب جريح

ولا تبحثوا في الغروب

ساعة الشفق

بين الأطلال

عما كان من مجد

وعظمة وثراء


وأخيراً أغمضوا عيونكم

وارفعوا أيديكم

ثم في صمت قصير

توسلوا إلى الله

ودعوا علمكم يموت

بدون ضجيج

مثل الشمعة التي

تنطفئ ببطء

Extrait de “Hormis le silence, Poésie entrecroisée ” de Maria Zaki et Jacques Herman, L’Harmattan, 2017.

Des rivages lointains (من الشواطئ النائية)

Des rivages lointains

Accourent des étoiles

De sable qui demain

Entre nos mains

Tremblantes

Mal assurées

D’autres diront fragiles

Se pétriront comme l’argile

Sous les doigts du potier


Certains manient

Le feu, l’eau et la terre

D’autres font danser

La couleur et la lumière

Chacun selon son souffle

Selon sa part de mystère


Nous en ferons des fleurs

Des dragons ou des anges

Des êtres animés

Soumis à nos humeurs

Ou des choses immobiles

À jamais figées


Sans négliger leur effet

Sur la fougue intérieure

Ne dit-on pas

Que c’est l’œuvre

Qui choisit son concepteur


من الشواطئ النائية

تتوافد نجوم الرمل

التي غدا

بين أيدينا

المرتعشة

المترددة

الهشة كما يقول الاخرون

سوف تشكلها كالصلصال

أصابع صانع الفخار


البعض يستخدم

النار والماء والتراب

والبعض الاخر يراقص

موجات الضوء والألوان

كل حسب إلهامه

وما ملكت بصيرته

من سر الوجود


لنجعل منها زهورا

أو نرسم  تنينا أو ملائكة

دُمى نحركها

وفق أهوائنا

أو أشياء بلا حركة

جامدة إلى الأبد


فضلاً عن وقع ذلك كله

في نفوسنا

فالمثل الحكيم يقول

إن العمل المبتكر هو الذي

يختار مبدعه

Extrait du nouveau recueil de poèmes “Hormis le silence, Poésie entrecroisée coécrit avec Jacques Herman qui vient de paraître chez L’Harmattan, Collection Le Scribe Cosmopolite, Poésie bilingue (français-arabe).

Chaque poème se compose à la fois de mes vers et de ceux de Jacques Herman, les premiers en caractères romains, les seconds, en italiques.

Le sentier de lumière

Le sentier de lumière

Paraît toujours un peu

Irrité qu’on le traite

De chemin lumineux

Car rien ne brille dans

Ses grains de poussière


Les avis ayant court

Sur sa nature

Ont trompé du monde

Pour peu qu’on confonde

L’apparence

Et l’essence des choses


Le sentier n’est pas rien

Mais il n’est qu’un moyen

De conduire jusqu’au but

L’ombre des pèlerins

Qui l’ont parcouru


Il n’apparaît qu’à ceux

Dont les pas le foulent

Pour gagner la Source

Le cœur épris

Et le corps nu

Extrait de “Un tout autre versant ” Poésie entrecroisée de Maria Zaki et Jacques Herman, L’Harmattan, 2016.