Une note ou deux

L’oiseau

Qui bat de l’aile

Chante bas


Faute de mélodie

S’élevant vers le ciel

Une note ou deux

Montent vers le toit


Là-haut

Il y a peut-être

L’oreille d’un chat !

Maria Zaki (Inédit, 2015).

Effacer les traces

Effacer les traces

Des grandes illusions

Acquises par héritage


Congédier

Les vierges faussées

Les sirènes bigleuses

Et les houris de bas étage


Défaire les liens

Entre les eaux

Agitées de son cœur

Difficile à consoler

Et les grands barrages


Il ne reste sous les cils

Ni mer ni terre

Le voile est retombé

Sur les visages

Et l’horizon s’est noyé

Dans l’actuel paysage

Maria Zaki (Inédit, 2015).

Les arbres de ma ville

Des hommes de loi

La loi de non-retour

Sévissent en ville

À abattre les arbres


Aucune voix

Ne se fait entendre

De crainte que pleuvent

Sur elle les coups

De l’ignorance

Et de la cupidité


La ville est peuplée

Mais à travers

Ses méandres désolants

D’obéissance

Le langage s’est dépeuplé


Des branches encore

Remplies de leurs fruits

Et des troncs de tous âges

Tombent par milliers


Des mains complices

Et des tronçonneuses

Les destinent sans pitié

Au feu des cheminées

Maria Zaki (Inédit, 2015).

Seule la lune

Il semait des cailloux

Sur le chemin

Mais ne le faisait pas

Au hasard


Le soir

Des cailloux luisants

Le jour

Des cailloux éteints


C’est qu’il avait

Dit-on

Des connaissances

D’homme de terrain


Le cerveau carré

L’œil vertical

Il ne doutait de rien


Rien ne perlait

À son front

Où la fierté

Séchait la sueur


Seule la lune

Voyait venir

Un vent soulevant

Des vagues de poussière

Maria Zaki (Inédit, 2015).

Dans le dessin du sensible

Des mots libres

De la pensée ouverte

S’incurvent

Dans le dessin du sensible


Une plume les a relâchés

Pour tourner

Et retourner le destin

De la page docile


Plus perceptibles

Que la caresse

Plus éclairants

Que la pupille


Ils passent le pont du rêve

Montent en hâte

Les marches de l’âme

Pour y laisser

Une trace indélébile


Sept chevaux les portent

A travers les cieux

Vers leur seconde origine

Maria Zaki (Inédit, 2015).

Le ruisseau coule

Aux confins du silence

Le ruisseau coule

Il barbouille son visage

D’un morceau de ciel

De deux ou trois nuages

Au gré de son humeur


Inutile de préciser

Qu’il ne s’inonde pas

De questions

Sur sa longueur

Sur sa largeur

Ni sur sa profondeur

Maria Zaki (Inédit, 2015).

On ne compte pas

Dans un moment

De grâce inouï

Où les champs

Se détachent de la terre

Où le ciel est vert

Et la prairie bleue


Les lèvres proclament

La grandeur de Dieu

Et le corps s’entortille

Dans les champs fertiles

De l’imaginaire


On ne compte pas

Les nuages blancs

Qui se perdent

Et se retrouvent

Dans les yeux


Ni les gouttes de pluie

Qui s’évaporent

A peine tombées

Dans la beauté du lieu

Extrait de « Risées de sable » recueil de poèmes coécrit avec Jacques Herman (L’Harmattan, 2015).

Allons soleil

Allons soleil

Debout

Réveille-toi

Secoue-toi

Prends ton courage à deux mains


Ce n’est pas le moment

De faire la grève

Nombreux sont ceux

Qui comptent sur toi


La nuit voudrait mourir

Dans la paix de l’aube

Elle aspire au repos

Comme la garde qui veille

Au pied du château


Allons soleil

Allons

Fais un dernier effort

Lève-toi

Et titille encore

Une fois

Le ciel qui dort


Dissipe les ténèbres

Inonde de rayons

Les collines à l’horizon

Puis descends sur les villes

Et les champs alentour


Ranime les demeures

Du plancher au toit

Et fais frémir de joie

Lucarnes et fenêtres


Allons soleil

Allons

Debout

Réveille-toi

Secoue-toi

Prends ton courage à deux mains

Fais éclater le jour

Extrait de « Risées de sable » recueil de poèmes coécrit avec Jacques Herman (L’Harmattan, 2015).

Descendre lentement

Descendre lentement

L’un après l’autre et prudemment

Les barreaux de l’échelle

Du temps révolu

Retrouver le sourire

De ceux que nous aimions

Et qui nous ont aimés

Alors que

Nous n’y croyions plus


Fredonner une chanson

Le long du chemin

Qui mène à la maison

Où nous sommes nés


Regarder passer le train

Comme un point

Mouvant

Dans la lumière

Du soleil couchant


Reprendre la main

Géante du grand-père

Et marcher avec lui

Dans la forêt voisine

En longeant la rivière


Retrouver des pensées

Des émois

Des voix familières

Des sons et des couleurs


Se laisser envahir

Par les bonnes odeurs

De la vieille cuisine

Par l’image apaisante

De la grand-mère

Riant avec la voisine


Réapprendre à nager

La peur au ventre

Dans la mer en été


Et remonter à vélo

Les genoux égratignés

De nos chutes répétées

Extrait de  « Risées de sable » recueil de poèmes coécrit avec Jacques Herman (L’Harmattan, 2015).


Langage des feuilles

Deux grands bassins

Pleins à ras-bord

D’une eau limpide

Que le ciel bleuit

Et que le vent ride


S’offrent aux yeux

Sans se confondre

Dans l’ineffable lumière

Comme les ailes

D’un oiseau bleu


Dans l’allée centrale

Comme chaque jour

Les pavés

S’échangent des mots d’amour

Ou des propos acides

Quelques-uns reprennent

Des disputes banales


À l’étroit dans les bordures

Des chuchotements

Des petits bégaiements

Des murmures

Tentent de retenir

L’attention

Sans y parvenir


Et dans les branches des tilleuls

Comme un vrombissement

Léger

À peine audible

Intraduisible

Si l’on ne comprend pas

Le langage des feuilles

Extrait du nouveau recueil de poèmes « Risées de sable » coécrit avec Jacques Herman, qui vient de paraître chez L’Harmattan, Collection Accent Tonique. Chaque poème se compose à la fois de mes vers et de ceux de Jacques Herman, les premiers en caractères romains, les seconds, en italiques.

Dans Risées de sable, les poètes Maria Zaki et Jacques Herman nous offrent leurs voix tissées, jouant tour à tour des vagues et de la grève, pour nous offrir par le dialogue poétique, leur présence et leur parole. Ce dialogue tout en jeu d’ombre et de lumière permet d’aller plus loin, jusqu’au cristal de l’âme.

Nicole Barrière.