Passons vite

Passons vite

Comme les pèlerins

Sans attendre ce que la vie

Soi-disant nous doit


Mais ne passons pas

Comme la biche

Traquée dans le bois

Ni comme l’insecte

Qu’on écrase du doigt


Et que notre passage

Soit du genre éphémère

Comme le flocon de neige

Sous le soleil d’hiver

Ou la vie de la fleur

Que l’on vient de cueillir

Et qui ne sait pas

Que sa vie va finir


Passons vite

Sans altérer l’étonnement

Qui nous relie au monde

Hors du temps


Passons vite

Sans perdre le chemin

Périssable et étroit

Qui nous unit

À tous les mondes à la fois

Extrait du nouveau recueil de poèmes “Un tout autre versant” , coécrit avec Jacques Herman qui vient de paraître chez L’Harmattan, Collection Accent Tonique, selon le procédé de la POÉSIE ENTRECROISÉE. Chaque poème se compose à la fois de mes vers et de ceux de Jacques Herman, les premiers en caractères romains, les seconds, en italiques.

Maria Zaki et Jacques Herman ont déjà accompli un parcours substantiel dans l’art du dialogue en vers puisque Un tout autre versant est leur troisième champ d’écriture où leurs voix parallèles sèment le grain. Entreprise audacieuse et des plus originales dont nous ne connaissons pas d’équivalent contemporain.

L’un des deux donne le ton – le chant du départ en quelque sorte -, l’autre y répond dans le droit fil ou en creusant un certain écart, une distance de liberté, un nouveau sillon qui relancera le propos dans une direction inattendue…

Jacques Tornay.


Tiens mes mains

Tiens mes mains

Dans les tiennes

Le moi a froid

Entre les lignes


De touches en retouches

Entre l’index droit

Et l’annulaire gauche

S’inscrit l’énigme


Depuis tant d’années

Je cueille

Des fragments de révélation

Des petits signes


Au seuil d’une vérité

Suggestive

Instaurée le jour

Entamée la nuit


Que de brouillons

Que de ratures

Pour écrire

La phrase de sa vie !

Maria Zaki (Le chemin vers l’autre), L’Harmattan, 2014.

Dans l’alchimie

Dans l’alchimie

De la rose pourpre

Devenue

Poussière d’or

Dans la fraîcheur

Du regard renouvelé

Et l’attention

De la troisième oreille

Qui ne cesse jamais

D’écouter

Ils se sont trouvés

Qu’importe

La distance parfois

C’est vers une âme

Qu’une autre âme

Se déploie

Maria Zaki (Inédit, 2016).

Consacré aux roses

Dans l’espace

Consacré aux roses

Tous les parfums

Partageables

Se mettent en résonance


Malgré les épines

Aucune plainte

Ne s’élève

Vers les cieux


Une hospitalité

De terre et de ciel

Se met en jeu


Un soleil inattendu

En pleine nuit

Inonde les lieux

Maria Zaki (Inédit, 2015).

Parlons de l’autre

Parlons de l’autre

Qui reprend pied

En soi

De quel côté de la vague

Se tient-il ?


Nul n’a bu la tasse

Comme lui et pourtant

Il nage tous les matins

S’entraîne sans témoin

Et sans déranger

Les yeux du monde


Encore des kilomètres

À parcourir

Au grès des vents

Avant d’atteindre

La rive impunément

Maria Zaki (Inédit, 2015).

Le long des murs

Le long des murs

De la surdité humaine

Des pas résonnent

Sans jamais se rejoindre


Dans une espèce

De nulle part

Où règne une maladie

À la fois connue

Et inconnue

Mi-ignorance

Mi-indifférence


Puis sans voir

Ni percevoir

On repart comme

On est venu

Mais les pieds devant


Maria Zaki (Inédit, 2015).

Tu quittes

Tu quittes ta terre

Tu quittes tes fleuves

Tes montagnes

Tu quittes tout

Tu ne crois plus à rien


Pas plus que la fleur

Fanée avant l’heure

Tu ne connais ton destin


Un vent violent et fou

T’a mortellement blessé

Tes plaintes montent aux cieux

Où se sont condensées

Des parcelles de ténèbres


Maria Zaki (Inédit, 2015).

Sous les crocs acérés

Sous les crocs acérés

De ton histoire

Tu es victime

Haine contre force

Force contre crime


Te chassent vers le large

Le marchand d’armes

Et le fauve insurgé

Jamais l’un sans l’autre

Pour t’ensanglanter


Pour exécuter en ton nom

Et t’exécuter

Toi le déjà sacrifié

Dans l’échiquier

De la corruption mondiale

Aux jeux de guerre

Et de pouvoir


Maria Zaki (Inédit, 2015).

Sous les étoiles

Sous les étoiles

Au commencement

Le chemin de l’aimance

Efface

Tous les boulevards


Les pas accordés

Se faufilent

Au milieu de la nuit

Et confient

Leurs secrets au destin

Qui le cache

Dans un bel écrin


Les vers flottent

Au rythme des vagues

Donnent chair au poème

Et tentent de libérer

Le cœur de ses peines


Mais de l’intérieur

Des plis de l’amour

Tombent les uns

Après les autres

De nombreux désirs


Si ce qui se perd

N’est que matière

Ils se relèveront

En douceur


Maria Zaki (Inédit, 2015).

Risquerai-je

Risquerai-je

Ma pensée intime

Dans cette assemblée

De faux humains

Comme on met

Au feu la main ?

Je ne crois pas !

Des silences lourds

M’environnent

Des voix vides

Claironnent

Elles se disent

Des vérités dont

Je suis sûrement

Indigne

Je tiens mes rêves

Intrépides et insensés

Tout contre moi serrés

De peur qu’on

Me les piétine !

Maria Zaki (Sur les dunes de l’aimance, 2011).