Le baptême de la rosace/Il battesimo del rosone

Je te regarde et remonte

Le temps et l’espace

Vers quel récit imaginaire

Vers quel mythe

Me conduis-tu ?


Quand je te touche

Te caresse

Je tente de dénouer

Tes fils invisibles

Tes entrelacs serrés

Et percer ton secret


Vers quels jeux

De corps et d’esprit

M’entraînes-tu aujourd’hui

Sans crier gare ?


Dis-moi de quelle strate

De ma mémoire rejaillis-tu

Pour que je surmonte

La métamorphose

De mes signes perdus

Dans l’a-temporel


Parure étoilée

Tissée et entretissée

Par des mains féminines

Et des esprits habités


Tu me renvoies à mon intimité

Entre transparence et opacité

À des parfums veloutés

Entre le Haut Atlas

Et mes plaines très anciennes


Comment oublier celles

Qui t’ont insufflé une âme

Et soigné ton baptême

Par le rituel du sucre

Du henné

Et des grains de blé ?


Mon regard de femme

Glisse en silence

Sur toi sans trébucher

Et parfois mon corps

Suit la cadence d’un fou

Ou d’un sage à genoux

La jeune fille que j’étais

N’a-t-elle pas évité

D’enjamber ta chaîne

Pendant l’ourdissage !

***********************

Ti guardo e risalgo

Il tempo e lo spazio

Verso quale racconto immaginario

Verso quale mito

Mi conduci?


Quando ti tocco

Ti accarezzo

Tento di sciogliere

I tuoi fili invisibili

I tuoi fitti grovigli

E svelare il tuo segreto


Verso quali giochi

Di corpo e di spirito

Mi prepari oggi

Senza preavviso?


Dimmi da quale strato

Della mia memoria affiori

Affinché io possa superare

La metamorfosi

Dei miei segni perduti

Nell’a-temporale


Collana stellata

Intessuta e intrecciata

Da mani femminili

E da spiriti abitati


Tu mi fai tornare alla mia intimità

Tra trasparenza e opacità

A dei profumi vellutati

Tra l’Alto Atlante

E le mie antichissime pianure


In che modo dimenticare quelle

Che ti hanno insufflato un’anima

E celebrato il tuo battesimo

Col rituale dello zucchero

Dell’henné

E dei chicchi di grano?


Il mio sguardo di donna

Scivola in silenzio

Su di te senza inciampare

E a volte il mio corpo

Segue la cadenza di un folle

O di un saggio in ginocchio

La ragazza che ero

Non ha evitato

Di saltare la tua catena

Durante l’ordito!

Maria Zaki, Traduction de Mario Selvaggio, Extrait du nouveau recueil ” Au-delà du mur de sable / Oltre il muro di sabbia”, Edizioni Universitarie Romane, juillet 2018.

Ennemis complices

Pour convaincre le cœur

De continuer à battre

Chaque matin

Faut-il murmurer

À l’oreille de la mort

Ou réveiller la vie

À haute voix ?


Les raisons

De vivre aujourd’hui

Ne sont-elles pas

Celles de mourir demain ?


Tout a été dit

Et toujours redit

Sur ces ennemis complices

Que le sommeil réunit

Et que le réveil disjoint

Maria Zaki (Extrait de : Et un ciel dans un pétale de rose, l’Harmattan, 2013).

Le pas du temps

Le pas du temps

L’emporte sur

Le pas de danse

L’instant de l’oubli avance

Instaure son rythme

Entre les plis

De la mémoire

Les étoiles filent

Emportant les souvenirs

Leurs traces s’effacent

A grande eau

C’est la terre du cerveau

Qui revient à la mer !

Maria Zaki (Extrait de : Le velours du silence, l’Harmattan, 2010).

Le cœur du poète / Il cuore del poeta

Le vent délicat

Qui caresse

Les dunes paradoxales

Sait que le cœur du poète

Préfère le moment

Où commence le poème


Au-delà

Du mur de sable

Construit à la hâte

Il agite

Les fondations souterraines

De l’âme


Après tremblement

Et innombrables chutes

Il revient chargé

De vers indomptables

Tressés de poussière

Ou de sel gemme

**************************

Il vento delicato

Che accarezza

Le dune paradossali

Sa che il cuore del poeta

Preferisce il momento

In cui comincia il poema


Oltre

Il muro di sabbia

Costruito in fretta

Agita

Le fondazioni sotterranee

Dell’anima


Dopo tremori

E innumerevoli cadute

Ritorna carico

Di versi indomabili

Intrecciati di polvere

O di sale gemma

Maria Zaki, Traduction de Mario Selvaggio, Extrait du nouveau recueil ” Au-delà du mur de sable / Oltre il muro di sabbia”, Edizioni Universitarie Romane, juillet 2018.

D’une main / Con una mano

D’une main

Se déverse l’encre

Qui redresse la branche

Pour l’oiseau de l’âme


D’une autre

S’élève le chant

Triomphant des cris

Et des larmes


Nous avons payé

L’impôt sur le bonheur

Comme on paie

L’impôt sur le revenu


Rappelez vos lieutenants

Les poètes

Sont revenus !

**********************

Con una mano

Si riversa l’inchiostro

Che raddrizza il ramo

Per l’uccello dell’anima


Con l’altra

Si leva il canto

Trionfante delle grida

E delle lacrime


Noi abbiamo pagato

L’imposta sulla felicità

Come si paga

L’imposta sul reddito


Ricordate i vostri luogotenenti

I poeti

Sono tornati!

Maria Zaki, Traduction de Mario Selvaggio, Extrait du nouveau recueil  » Au-delà du mur de sable / Oltre il muro di sabbia », Edizioni Universitarie Romane, Juillet 2018.

D’un vers à l’autre/Da un verso all’altro

D’un vers à l’autre

Nous tissons

De nouvelles chaînes

Nos mains

Toujours tremblantes

Jamais ne perdent le fil


Lucides et dignes

Ou étincelantes de folie

Nous avançons

Entre vibration cinétique

Et mémoire des signes


Condamnées au mutisme

Nous laissons nos censeurs

Hors de la ronde

Déchiffrer nos vers

Comme on déchiffre

Le monde


Tisseuses pudiques

Ou fileuses débridées

Nous exerçons l’art

De la trace et de la filature

Interdit aux non-initiés

************************

Da un verso all’altro

Noi intessiamo

Nuove catene

Le nostre mani

Sempre tremanti

Non perdono mai il filo


Lucide e degne

O scintillanti di follia

Noi avanziamo

Tra vibrazione cinetica

E memoria dei segni


Condannate al mutismo

Noi lasciamo i nostri censori

Fuori dal girotondo

Decifrare i nostri versi

Come si decifra

Il mondo


Tessitrici pudiche

O filatrici sbrigliate

Noi esercitiamo l’arte

Della traccia e della filatura

Interdetta ai non-iniziati

Maria Zaki, Traduction de Mario Selvaggio, Extrait du nouveau recueil  » Au-delà du mur de sable / Oltre il muro di sabbia », Edizioni Universitarie Romane, Juillet 2018.


Sur le concept de l’aimance

J’ai adhéré au concept de l’aimance, comme à un legs précieux de mon mentor Abdelkébir Khatibi ; un don et une trace à la fois. Je la considère  comme une langue singulière, une notion inventive et une démarche exigeante ayant pour but de guider les personnes dans le jeu complexe et délicat des attirances humaines, sans renier leur altérité. Dans le mot « aimance », il y a la notion d’alliance mais aussi celles de la mouvance et du renouvellement qui permettent de transformer l’amitié ou l’amour en un art de vivre la rencontre.

Dans l’aimance, on ne se repose pas sur ses acquis, on continue à prendre soin de la relation d’amitié et à se remettre en question car l’aimance se réalise dans la dynamique et le renouvellement.

L’aimance repose sur l’affection sans confusion, l’écoute de l’Autre, la sollicitude en gardant une distance appropriée et la loyauté, tout en respectant la singularité et la différence de l’Autre.

L’aimance permet de transformer l’attraction affective, le désir et la charge passionnelle que « le fait amoureux » engendre, en un champ matériel ou immatériel, où l’on libère sa force créative, sachant que « le manque à être » ne peut être comblé que par le passage vers le champ de l’art et de la navigation symbolique. Dès lors, on s’inscrit dans la volonté de penser la rencontre afin de supporter l’inéluctable écart entre le désirant et l’objet de son désir.

Maria Zaki

Qu’est-ce cet oiseau ?

Elle cherche un interprète

Au revers de l’hiver

Et fait naître une saison

Inédite puis s’y perd


Qu’est-ce cet oiseau

De l’intelligence

Relationnelle

Qui vole librement

Dans l’intemporel

De son cœur ?


Amoureuse de son mystère

Elle prend soin du champ

Et de la roseraie

Sans pour autant

Oublier le désert

Maria Zaki (Extrait de “Le chant de l’aimance”, 2018)


Jusqu’à l’invisible

A la lueur d’une bougie

Qui fleurit dans le noir

Le poète convie

Les absents de ses jours

Au jeu de la survie


L’invite est sincère

Et l’illusion

Jamais ne s’évanouit


L’affiliation spirituelle

Veille sur l’inachevé

Dans l’accompli


C’est un pari

Lent et discret

Qui se poursuit

Jusqu’à l’invisible

Maria Zaki (Extrait de “Le chant de l’aimance”, 2018)

Pleine de vie

Tu fermes les yeux

Et laisses venir

A toi tous les vents

De la mémoire


Entre ceux qui

Surgissent des racines

Et ceux qui vers le haut

S’obstinent

Se dresse un espoir


Une silhouette

Inexplorée

Mais pleine de vie

S’y reflète

En aide-mémoire


Tu te demandes

De quoi

De quand

De qui

Elle est faite


Est-ce

Un souvenir tenace ?

Une pensée fugace ?

Ou une forme que tu as

Toi-même dessinée ?


Tantôt sage

Tantôt pro-vocatrice

Elle réitère

Ton goût de vivre

Et ton envie de rompre

Les digues des solitudes

Maria Zaki (Extrait de « Le chant de l’aimance », 2018)