Prolonger le regard / Prolungare lo sguardo

Éclaircir ce qui fut

Sans lumière

Et consentir au large

L’appel ouvert

Des signes


L’enjeu se devine

Dans le tressaillement

Des sens égarés

Dans l’insoutenable

Vaguement soutenu


Prolonger le regard

Pour achever la mer

Laisser parler le vent

Au sable sous le ciel nu


Marmonner des chants anciens

Des mélodies au fil des ans

Devenues improbables

Regarder en arrière

Reléguant au vestiaire

Le passé aussi bien

Que l’éternel présent


Faire de ce jour demain

Comme un défi au temps

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Schiarire ciò che fu

Senza luce

E consentire al largo

L’appello aperto

Dei segni


La posta in gioco si scorge

Nei tremiti

Dei sensi smarriti

Nell’insostenibile

Vagamente sostenuto


Prolungare lo sguardo

Per oltrepassare il mare

Lasciar parlare il vento

Alla sabbia sotto il cielo nudo


Mormorare antichi canti

Melodie nel corso degli anni

Divenute improbabili

Guardare indietro

Relegando nel dimenticatoio

Il passato così come

L’eterno presente


Fare di questo giorno domani

Come una sfida al tempo

Maria Zaki et Jacques Herman, Traduction de Mario Selvaggio, Extrait du nouveau recueil ” Les signes de l’absence Poésie entrecroisée / I segni dell’assenza Intrecci poetici”, AGA éditrice-L’Harmattan, décembre 2018.

Le temps s’envole / Il tempo vola via

Le temps s’envole

Il déploie ses ailes

Au-dessus des steppes

Agile et fugace

Et quoique l’on fasse

On demeure impuissant


Il maîtrise les lieux

Il domine l’espace

Il bouscule tout

Quand ici-bas passent

Les ombres furtives

Du tout-venant


On court après lui

Dans les jungles

Et les méandres du destin

Au mieux on arrive

Au faîte de soi


Il nous guette sans fin

De son regard sournois

Et on le voit esquisser

Un sourire narquois

Avant de s’en aller

Sans que jamais l’on sache

Ni vers où

Ni pourquoi

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Il tempo vola via

Spiega le sue ali

Sopra le steppe

Agile e fugace

E qualsiasi cosa si faccia

Si resta impotenti


Controlla i luoghi

Domina lo spazio

Sconvolge tutto

Quando quaggiù passano

Le ombre furtive

Di gente qualunque


Si corre al suo seguito

Nelle giungle

E nei meandri del destino

Al massimo si arriva

In cima a se stessi


Ci scruta senza fine

Col suo sguardo sornione

E lo si vede abbozzare

Un sorriso beffardo

Prima di andarsene

Senza mai sapere

Né verso dove

Né perché

Maria Zaki et Jacques Herman, Traduction de Mario Selvaggio, Extrait du nouveau recueil ” Les signes de l’absence Poésie entrecroisée / I segni dell’assenza Intrecci poetici”, AGA éditrice-L’Harmattan, décembre 2018.


Le bruissement de ton silence

Jamais absente

De mes pensées

Debout dans

Ma mémoire


Entre mon cœur

Et ma tête

Que le bruissement

De ton silence

Est pénétrant !


Je me fie aux paroles

De ma sœur

La plus douce de toutes

Et qui te ressemble

Goutte pour goutte


Elle te regarde

Détourner les yeux

Et te voit sourire

A l’invisible

Elle te dit :

Ah Mama

Ils sont en ces lieux !


Tu lui réponds :

Dieu m’envoie

Ce qui est bon

Pour moi

Pour moi


En douceur

Tu retires ta main

De la sienne

Un voile se pose

Sur ses yeux

Pendant que tu t’éteins

Comme une bougie

Sans le moindre bruit


C’est la fin du chemin

Pour toi

Grâce à qui

J’ai dans l’âme

Un jardin d’amour

A jamais ouvert

Et derrière l’arbre

Un autre arbre

D’où s’envole

Vers je ne sais où

Une colombe

Chaque matin


Et quand en larmes

Ma tête se pose

Sur le sol orphelin

Un chant lointain

Surgit

Dans mon cœur

Et le console


C’est paraît-il

Toi Mama

Qui le fredonnes

A chaque fois

Qu’une colombe

Se pose sur ta tombe

Maria Zaki (Inédit, le 30.12.2018).

Le baptême de la rosace/Il battesimo del rosone

Je te regarde et remonte

Le temps et l’espace

Vers quel récit imaginaire

Vers quel mythe

Me conduis-tu ?


Quand je te touche

Te caresse

Je tente de dénouer

Tes fils invisibles

Tes entrelacs serrés

Et percer ton secret


Vers quels jeux

De corps et d’esprit

M’entraînes-tu aujourd’hui

Sans crier gare ?


Dis-moi de quelle strate

De ma mémoire rejaillis-tu

Pour que je surmonte

La métamorphose

De mes signes perdus

Dans l’a-temporel


Parure étoilée

Tissée et entretissée

Par des mains féminines

Et des esprits habités


Tu me renvoies à mon intimité

Entre transparence et opacité

À des parfums veloutés

Entre le Haut Atlas

Et mes plaines très anciennes


Comment oublier celles

Qui t’ont insufflé une âme

Et soigné ton baptême

Par le rituel du sucre

Du henné

Et des grains de blé ?


Mon regard de femme

Glisse en silence

Sur toi sans trébucher

Et parfois mon corps

Suit la cadence d’un fou

Ou d’un sage à genoux

La jeune fille que j’étais

N’a-t-elle pas évité

D’enjamber ta chaîne

Pendant l’ourdissage !

***********************

Ti guardo e risalgo

Il tempo e lo spazio

Verso quale racconto immaginario

Verso quale mito

Mi conduci?


Quando ti tocco

Ti accarezzo

Tento di sciogliere

I tuoi fili invisibili

I tuoi fitti grovigli

E svelare il tuo segreto


Verso quali giochi

Di corpo e di spirito

Mi prepari oggi

Senza preavviso?


Dimmi da quale strato

Della mia memoria affiori

Affinché io possa superare

La metamorfosi

Dei miei segni perduti

Nell’a-temporale


Collana stellata

Intessuta e intrecciata

Da mani femminili

E da spiriti abitati


Tu mi fai tornare alla mia intimità

Tra trasparenza e opacità

A dei profumi vellutati

Tra l’Alto Atlante

E le mie antichissime pianure


In che modo dimenticare quelle

Che ti hanno insufflato un’anima

E celebrato il tuo battesimo

Col rituale dello zucchero

Dell’henné

E dei chicchi di grano?


Il mio sguardo di donna

Scivola in silenzio

Su di te senza inciampare

E a volte il mio corpo

Segue la cadenza di un folle

O di un saggio in ginocchio

La ragazza che ero

Non ha evitato

Di saltare la tua catena

Durante l’ordito!

Maria Zaki, Traduction de Mario Selvaggio, Extrait du nouveau recueil ” Au-delà du mur de sable / Oltre il muro di sabbia”, Edizioni Universitarie Romane, juillet 2018.

Ennemis complices

Pour convaincre le cœur

De continuer à battre

Chaque matin

Faut-il murmurer

À l’oreille de la mort

Ou réveiller la vie

À haute voix ?


Les raisons

De vivre aujourd’hui

Ne sont-elles pas

Celles de mourir demain ?


Tout a été dit

Et toujours redit

Sur ces ennemis complices

Que le sommeil réunit

Et que le réveil disjoint

Maria Zaki (Extrait de : Et un ciel dans un pétale de rose, l’Harmattan, 2013).

Le pas du temps

Le pas du temps

L’emporte sur

Le pas de danse

L’instant de l’oubli avance

Instaure son rythme

Entre les plis

De la mémoire

Les étoiles filent

Emportant les souvenirs

Leurs traces s’effacent

A grande eau

C’est la terre du cerveau

Qui revient à la mer !

Maria Zaki (Extrait de : Le velours du silence, l’Harmattan, 2010).

Le cœur du poète / Il cuore del poeta

Le vent délicat

Qui caresse

Les dunes paradoxales

Sait que le cœur du poète

Préfère le moment

Où commence le poème


Au-delà

Du mur de sable

Construit à la hâte

Il agite

Les fondations souterraines

De l’âme


Après tremblement

Et innombrables chutes

Il revient chargé

De vers indomptables

Tressés de poussière

Ou de sel gemme

**************************

Il vento delicato

Che accarezza

Le dune paradossali

Sa che il cuore del poeta

Preferisce il momento

In cui comincia il poema


Oltre

Il muro di sabbia

Costruito in fretta

Agita

Le fondazioni sotterranee

Dell’anima


Dopo tremori

E innumerevoli cadute

Ritorna carico

Di versi indomabili

Intrecciati di polvere

O di sale gemma

Maria Zaki, Traduction de Mario Selvaggio, Extrait du nouveau recueil ” Au-delà du mur de sable / Oltre il muro di sabbia”, Edizioni Universitarie Romane, juillet 2018.

D’une main / Con una mano

D’une main

Se déverse l’encre

Qui redresse la branche

Pour l’oiseau de l’âme


D’une autre

S’élève le chant

Triomphant des cris

Et des larmes


Nous avons payé

L’impôt sur le bonheur

Comme on paie

L’impôt sur le revenu


Rappelez vos lieutenants

Les poètes

Sont revenus !

**********************

Con una mano

Si riversa l’inchiostro

Che raddrizza il ramo

Per l’uccello dell’anima


Con l’altra

Si leva il canto

Trionfante delle grida

E delle lacrime


Noi abbiamo pagato

L’imposta sulla felicità

Come si paga

L’imposta sul reddito


Ricordate i vostri luogotenenti

I poeti

Sono tornati!

Maria Zaki, Traduction de Mario Selvaggio, Extrait du nouveau recueil  » Au-delà du mur de sable / Oltre il muro di sabbia », Edizioni Universitarie Romane, Juillet 2018.

D’un vers à l’autre/Da un verso all’altro

D’un vers à l’autre

Nous tissons

De nouvelles chaînes

Nos mains

Toujours tremblantes

Jamais ne perdent le fil


Lucides et dignes

Ou étincelantes de folie

Nous avançons

Entre vibration cinétique

Et mémoire des signes


Condamnées au mutisme

Nous laissons nos censeurs

Hors de la ronde

Déchiffrer nos vers

Comme on déchiffre

Le monde


Tisseuses pudiques

Ou fileuses débridées

Nous exerçons l’art

De la trace et de la filature

Interdit aux non-initiés

************************

Da un verso all’altro

Noi intessiamo

Nuove catene

Le nostre mani

Sempre tremanti

Non perdono mai il filo


Lucide e degne

O scintillanti di follia

Noi avanziamo

Tra vibrazione cinetica

E memoria dei segni


Condannate al mutismo

Noi lasciamo i nostri censori

Fuori dal girotondo

Decifrare i nostri versi

Come si decifra

Il mondo


Tessitrici pudiche

O filatrici sbrigliate

Noi esercitiamo l’arte

Della traccia e della filatura

Interdetta ai non-iniziati

Maria Zaki, Traduction de Mario Selvaggio, Extrait du nouveau recueil  » Au-delà du mur de sable / Oltre il muro di sabbia », Edizioni Universitarie Romane, Juillet 2018.


Sur le concept de l’aimance

J’ai adhéré au concept de l’aimance, comme à un legs précieux de mon mentor Abdelkébir Khatibi ; un don et une trace à la fois. Je la considère  comme une langue singulière, une notion inventive et une démarche exigeante ayant pour but de guider les personnes dans le jeu complexe et délicat des attirances humaines, sans renier leur altérité. Dans le mot « aimance », il y a la notion d’alliance mais aussi celles de la mouvance et du renouvellement qui permettent de transformer l’amitié ou l’amour en un art de vivre la rencontre.

Dans l’aimance, on ne se repose pas sur ses acquis, on continue à prendre soin de la relation d’amitié et à se remettre en question car l’aimance se réalise dans la dynamique et le renouvellement.

L’aimance repose sur l’affection sans confusion, l’écoute de l’Autre, la sollicitude en gardant une distance appropriée et la loyauté, tout en respectant la singularité et la différence de l’Autre.

L’aimance permet de transformer l’attraction affective, le désir et la charge passionnelle que « le fait amoureux » engendre, en un champ matériel ou immatériel, où l’on libère sa force créative, sachant que « le manque à être » ne peut être comblé que par le passage vers le champ de l’art et de la navigation symbolique. Dès lors, on s’inscrit dans la volonté de penser la rencontre afin de supporter l’inéluctable écart entre le désirant et l’objet de son désir.

Maria Zaki